Une réponse de la Place Beauvau ? Interpellé depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" en novembre 2018 et encore récemment lors des manifestations contre la réforme des retraites, Christophe Castaner a opéré un changement de ton concernant l'épineux sujet des violences policières.
Manifestants, militants, partis politiques d'opposition ou défenseurs des libertés publiques ont mis régulièrement en cause des violences commises par des policiers ou gendarmes. Jusqu'à présent, l'exécutif campait sur un soutien sans faille aux forces de l'ordre. Un soutien allant même jusqu'à dénoncer l'usage du terme "violences policières".
Lors de ses vœux à la police nationale le 13 janvier, Christophe Castaner a déclaré que "c'est l'honneur de la police qui est en jeu, on ne fait pas de croche-pied à l'éthique, sauf à s'abaisser, à abaisser la police". Le ministre de l'Intérieur fait ainsi référence à une vidéo virale sur les réseaux sociaux montrant un policier faisant un croche-pied à une manifestante à Toulouse.
Selon le ministre de l'Intérieur, "l'usage juste et proportionné de la force est ce qui sépare la démocratie de l'arbitraire, ce qui distingue l'ordre et la brutalité, c'est le fondement, aussi, de notre confiance avec les Français". Des propos qui tranchent avec ceux tenus sept mois plus tôt, en juin 2019 lors d'une interview au Journal du Dimanche. Christophe Castaner y déclarait : "Je n'accepte pas l'expression 'violences policières'". Sur France 2, Édouard Philippe a affiché sa "solidarité" envers les forces de l'ordre. Mais le premier ministre a assuré que lorsqu'il est "fait un usage disproportionné (de la force), alors il doit y avoir enquête, et sanction le cas échéant."
Le gouvernement est-il en train de changer de position sur les violences policières ? Joint par RTL.fr, David Dufresne, journaliste et auteur de Dernière sommation (éditions Grasset), reconnaît qu'il y a une "inflexion" et une "ouverture" de la part de Christophe Castaner et du gouvernement "parce que leurs propos actent un débat". Le ministre de l'Intérieur est ainsi passé d'une "communication martiale à une timide inflexion", d'après lui.
Est-ce une stratégie de communication ? Est-elle suffisante ? "La crise sur les violences policières est abyssale, une action de communication est insuffisante, c'est en profondeur que le problème doit être réglé", ajoute-t-il tout en précisant que "les mots sont importants dans la police".
Pourquoi ce changement de discours au sein de l'exécutif a-t-il lieu maintenant ? Des images qui s'ajoutent à de récentes violences commises par des policiers lors des manifestations contre les retraites et à la mort d'un livreur, à Paris, après un contrôle routier controversé. Les réseaux sociaux ont indéniablement joué un rôle central dans la dénonciation des violences policières.
"Les violences policières ne sont pas apparues avec 'les gilets jaunes'. Elles existaient avant mais les vidéos donnent de la visibilité. On voit bien que la parole change dès que des vidéos apparaissent et deviennent virales", note David Dufresne. Une viralité mesurable au nombre de vues de la vidéo du policier faisant un croche-pied à une manifestante : 3,5 millions de vues.
Christophe Castaner ne pouvait plus nier l’évidence
Olivier Bost, éditorialiste politique chez RTL
Selon Olivier Bost, éditorialiste politique chez RTL, "Christophe Castaner ne pouvait plus nier l’évidence. Alors qu'il se réfugiait systématiquement derrière les interminables enquêtes de l’IGPN, la police des polices, jusque-là, l'ancien délégué général de la majorité doit faire face à la réalité des événements. Les vidéos de violences policières, qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux mais aussi dans les médias, ont pris le dessus". Ainsi le patron de la place Beauvau a rappelé que les forces de l’ordre devaient porter leur R.I.O. Il s'agit d'un numéro qui se trouve sur leur uniforme et qui permet de les identifier.
"Beaucoup de forces de l’ordre s’affranchissaient de cette règle depuis les premières manifestations sans que leur hiérarchie ne dise quoi que ce soit. Lorsque ceux qui doivent faire respecter la loi ne la respecte pas, le climat ne peut pas s’apaiser", souligne l'éditorialiste.
Et côté syndicats de police ? Le syndicat de police Alliance a publié un communiqué sur Twitter dans lequel il interpelle Christophe Castaner. "Nous avons besoin d'un soutien ferme et indéfectible et pas d'un soutien 'mou et édulcoré' pour acheter une 'relative' paix sociale !", peut-on lire. Au micro de France Bleu, William Wullemann, secrétaire régional adjoint du syndicat explique qu'"il ne s'agit pas de revendiquer le droit de faire tout et n'importe quoi. S'il y a une suspicion, il y a enquête, et si elle est avérée, il y a une sanction lourde. Mais dans le contexte, nous aimerions avoir une marque de confiance de la part de nos gouvernants".
Quant aux vidéos postées sur les réseaux sociaux, Alliance met en garde. "Ne vous contentez pas de regarder des vidéos incomplètes, très souvent mal interprétées, imprégnez vous du contexte et ne vous faites pas 'polluer' par certains 'bien-pensants' en total décalage avec la réalité du terrain", indique le communiqué.
Les violences policières sont-elles plus nombreuses qu'avant ? Dans une chronique diffusée à l'antenne de RTL, le journaliste Jean-Mathieu Pernin indique qu'il existe l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale qui comptabilise "les violences à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité comme les policiers, les pompiers et les gendarmes. Selon Le Figaro, en août 2019, plus de 23.000 faits de violences auraient ainsi été recensés envers les forces de l’ordre".
"Si l'on ignore les chiffres d’éventuelles violences envers la population, le sentiment qu'elles sont plus nombreuses grandit. Tout a changé avec la mobilisation des 'gilets jaunes'. Mains arrachés, œil crevés : des manifestants violents, une réponse violente. L’utilisation massive du LBD, avec 20.000 tirs d’après l’Inspection générale de la police national (IGPN), c’est du jamais vu au niveau de l’Union européenne", ajoute-t-il.
En 2018, 1