1. Accueil
  2. Actu
  3. Politique
  4. Marine Le Pen et le RN votent la motion de censure Nupes : le récit d'un "coup de poker"
4 min de lecture

Marine Le Pen et le RN votent la motion de censure Nupes : le récit d'un "coup de poker"

RÉCIT - La prise de parole de Marine Le Pen a fait office d'élément perturbateur au sein de l'hémicycle. "La majorité était choquée et la Nupes mal à l'aise", raconte un député RN, présent dans l'hémicycle.

Marine Le Pen, le 24 octobre 2022
Marine Le Pen, le 24 octobre 2022
Crédit : JULIEN DE ROSA / AFP
Marie-Pierre Haddad

Échec et mat. Une partie de l'hémicycle a tangué lors du débat et du vote des motions de censure, déposées par la Nupes et le Rassemblement national. La raison ? Marine Le Pen. La présidente des députés Rassemblement national a annoncé, contre toutes attentes, que ses élus voteront la motion de censure de l'alliance de gauche. "Parce que l'intérêt national guide ses paroles et ses actes", le groupe RN "votera également la motion présentée en des termes acceptables de l'autre côté de l'hémicycle", a-t-elle expliqué le lundi 24 octobre.

Une annonce qui va à l'encontre de l'état d'esprit dans lequel se trouvait le groupe quelques jours plus tôt. Marine Le Pen, elle-même, estimait qu'"a priori" les députés de son groupe ne soutiendront pas la motion de la Nupes. Le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy évoquait les positions de la Nupes sur "le financement de la politique migratoire", "le mépris pour le soutien à nos forces de l'ordre". "Cela nous paraît compliqué de voter une motion de la Nupes", en déduisait-il.

Les dessous d'un "coup de poker"

Mais Marine Le Pen en a décidé autrement. Initialement, ce "coup de poker", comme on le qualifie au sein du RN n'était pas prévu. L'idée est née le vendredi 21 octobre. L'ancienne candidate RN à la présidentielle l'a ensuite proposée à son groupe lors d'une réunion ce lundi. "On était tous d'accord, rapporte un participant. Le texte de la Nupes n'est pas infamant". Face à ses troupes, la présidente a indiqué : "Il faut que le gouvernement comprenne que le vent du boulet ne va pas passer loin", raconte un proche. Le secret est bien gardé et la surprise n'en est que plus grande au moment où Marine Le Pen annonce la nouvelle depuis la tribune qui fait face à tous les députés. 

On a physiquement senti une espèce de glaciation totale de l'hémicycle

Un élu RN

Un élu RN, présent dans l'hémicycle au moment du discours, évoque une ambiance qui a varié en seulement quelques secondes. "On a physiquement senti une espèce de glaciation totale de l'hémicycle. La Nupes et la majorité ont mis plusieurs secondes à comprendre ce qui venait de se passer", décrit-il.

À écouter aussi

Un autre député évoque un effet sidération. "Tous ont été surpris dans l'hémicycle : la majorité était choquée et la Nupes, mal à l'aise. Ils ont été surpris et scotchés. C'était un retournement de situation", explique-t-il. "Dévoiler son jeu sur une motion de censure n'est pas obligatoire", ira même jusqu'à narguer en privé un membre du RN.

Pourquoi ce changement ? "Le texte de la motion de censure de la Nupes se base sur la méthode du gouvernement et c'est ce qui nous a permis de la voter. On avait envisagé qu'il (le texte de la Nupes, ndlr) soit plus clivant mais il n’est pas incompatible avec la nôtre", nous a expliqué un élu RN.

Motion rejetée, mais coup politique assuré

Les voix de la Nupes additionnées à celles du RN ont représenté 239 voix. Motion de censure rejetée : 289 voix étaient nécessaires. Mais cela a suffi à déclencher la colère d'Elisabeth Borne

La Première ministre a dénoncé le "simplisme et l'outrance" du Rassemblement national, dont "les fondamentaux idéologiques n'ont pas bougé depuis cinquante ans". "Vous visez le désordre et la discorde au prix d'une alliance contre-nature avec la Nupes", a-t-elle déclaré. Quant à la Nupes, la cheffe du gouvernement a dénoncé ses "excès" et ses "contrevérités".

Quoi qu'il en soit, Marine Le Pen a effectué un coup politique à trois niveaux. Niveau numéro 1 : l'exécutif. À travers ce choix, elle fait sortir le RN d'une posture de symbole avec le dépôt d'une motion de censure. Contrairement à la France insoumise, qui reconnaissait que sa motion n'avait aucune chance d'aboutir, comme l'indiquait François Ruffin lors du Grand Jury RTL, Le Figaro, LCI. "Je le dis, pour que personne, même en haut lieu ne se méprenne, au RN, nous ne craignons pas les menaces de dissolution", a déclaré Marine Le Pen. 

Je suis heureuse que RN soit obligé de reconnaître le leadership de la Nupes

Raquel Garrido, député LFI de Seine-Saint-Denis

Niveau numéro 2 : la France insoumise. Le mouvement politique a bénéficié de l'aide du Rassemblement national, ce qui va à l'encontre de la stratégie anti-Le Pen poussée par les députés LFI. Et déjà, de la friture sur la ligne est apparue. Sur Twitter, la députée LFI de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido a écrit : "La motion de censure Nupes est faite pour être votée, pas juste un témoignage. Je suis heureuse que RN soit obligé de reconnaître le leadership de la Nupes dans ce moment institutionnel où le Parlement se dresse contre l’abus de pouvoir du 49.3. LR devrait faire pareil".

Une réaction qui a déclenché de fortes remontrances de la part du partenaire de la France insoumise, le Parti socialiste. "Nous ne voterons jamais de motion de censure de l’extrême droite" qui est "cynique et haineuse", a dénoncé le chef du groupe socialiste à l'Assemblée Boris Vallaud. Du côté de la majorité présidentielle, un nouvel angle d'attaque a été trouvé contre la France insoumise. Le délégué général de Renaissance Stéphane Séjourné a pointé du doigt Jean-Luc Mélenchon et "la coalition des extrêmes quoi qui leur en coûte" sur Twitter.

Niveau numéro 3 : Les Républicains. Les députés LR, menés par Olivier Marleix, avaient annoncé leur intention de ne voter aucune motion de censure. "Les Républicains ne sont, par définition, pas dans l'opposition comme ils ont refusé de voter les motions de censure", affirme un député RN. "Nous ne nous interdirons rien", résume-t-on au sein du Rassemblement national. Une phrase qui sonne comme une mise en garde pour les opposants politiques.

La rédaction vous recommande
À écouter aussi