Les syndicats réclament un vrai débat de fond sur la réforme des retraites. On les a entendus se plaindre ces derniers jours des invectives et de l'obstruction qui perturbent l'Assemblée nationale. C'est un peu le monde à l'envers ?
C’est-à-dire que c’est plus calme dans la rue qu’à l’Assemblée. Il ne se passe pas un jour sans que les députés Insoumis ne profèrent des insultes. Le 13 février, le ministre Dussopt s’est fait traiter "d’assassin", vendredi c’était un autre révolutionnaire en culotte-courte, qui s’affichait avec un ballon à l’effigie du ministre, qu’il écrasait sous son pied.
Il n’y aucune limite sur la forme, comme sur le fond. Sur le fond, tout est fait pour freiner les débats avec des milliers d’amendements. Les syndicats veulent un débat sur l’article 7, l’article phare du texte, celui qui recule l’âge de départ à 64 ans. Les leaders syndicaux veulent une confrontation d’idées, des échanges : projet contre projet. Et ils veulent un vote.
Laurent Berger de la CFDT plaide pour que le processus démocratique arrive à son terme. Philippe Martinez de la CGT, lui, veut pouvoir relever le nom de ceux qui votent pour, histoire de les identifier aux prochaines élections. Chacun sa méthode mais en attendant, on est encore loin d’aborder cet article 7, on en est à peine à l’article 2.
Cette obstruction, comment se traduit-elle ? Il y a toujours eu des amendements, c’est ce qui permet de modifier un texte. L’obstruction, c’est lorsqu’on abuse de ces amendements. On change un mot, une virgule. Sachez que sur l’article 7 - seulement sur cet article - LFI a déposé 3.708 amendements.
Je vous donne des exemples : Rachel Kéké, la députée insoumise du Val-de-Marne a déposé 30 amendements, à elle seule, pour exempter une à une toutes les professions, du report de l’âge. Ça donne : "Le présent article ne s’applique pas aux vendeurs en alimentation, ni aux épiciers, ni aux primeurs". "Le présent article ne s’applique pas aux ouvriers qualifiés de la manutention". "Le présent article ne s’applique pas aux agriculteurs, ni aux éleveurs, ni aux sylviculteurs, ni aux bûcherons". "Le présent article ne s’applique pas aux agents d’entretien". Et ainsi de suite.
On peut assister au scénario suivant : la réforme adoptée au Sénat, sans être votée à l’Assemblée
LFI dépose aussi un amendement pour que la réforme des retraites ne soit pas appliquée en Outre-Mer. Il y a eu l’amendement de Sandrine Rousseau : l’amendement "feuille de salade" à propos de "l’index séniors" que le gouvernement veut mettre en place dans les entreprises pour mesurer l’emploi des séniors, un amendement qui est là pour décorer a dit la députée écolo, comme la feuille de salade dans l’assiette. Voilà. Bienvenue en Absurdistan.
Bon, l’obstruction a toujours existé, les députés de tout bord ont l’habitude de cette pratique qui consiste à empêcher un texte d’être voté. Mais comment en sort-on ? Vous avez vu, il y a une prise de conscience : la gauche a retiré hier soir 1.000 amendements. Il en reste encore plus de 14.000.
S’ils n’en retirent pas davantage, on peut assister au scénario suivant : la réforme adoptée au Sénat, sans être voté