C'est sur les réseaux sociaux que "ça se joue" : pour les débats sur le budget, les députés livrent aussi bataille sur TikTok et Instagram

Danser dans une vidéo, exposer les députés absents de l'hémicycle ou ferrailler sur X... Les débats sur le projet de budget ne se cantonnent pas à l'hémicycle et aux couloirs de l'Assemblée nationale. Les députés prolongent la bataille sur le terrain des réseaux sociaux, donnant lieu à des échanges tendus, des photos inattendues mais aussi à des vidéos parfois étonnantes. 

Fin octobre, le député Renaissance des Hauts-de-Seine, Pierre Cazeneuve a choisi de répondre ainsi au contre-budget du Rassemblement national. L'élu leur a adressé une vidéo accompagnée d'une musique tendance sur Tiktok. Lunettes de soleil sur le nez, l'élu a un message qui tient en quelques mots : "Un contre-budget plat, plat, plat." Il faut "combattre l'absurdie par l'absurde", a expliqué l'élu auprès de France Inter pour justifier cette vidéo, dont l'idée lui est venue à 4 heures du matin.

Sur X, le député Rassemblement national de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, a de son côté transformé son compte en compteur de présence. Le 27 octobre, il écrit : "Coucou, Prisca Thévenot. Il est 11 heures et toujours pas là. Comment vivez-vous votre emploi fictif ?". 

27 minutes plus tard, la députée Renaissance des Hauts-de-Seine réplique. "Rassurez-vous Jean-Philippe Tanguy : je ne suis pas loin. Je suis en commission pour le budget de la sécurité sociale : je repousse les dingueries que votre groupe veut voter avec vos amis insoumis. Le travail parlementaire se passe parfois loin des caméras, mais est bien réel", a-t-elle écrit.

Autre cas repéré sur les réseaux sociaux : le RN a fait une campagne sur X afin d’afficher les noms et visages des députés présents ou non dans l’hémicycle. L’élu Horizons du Haut-Rhin, Didier Lemaire, a répondu à cette campagne en évoquant une raison familiale : son épouse, infirmière à domicile a été agressée.

"La gauche a gagné la bataille culturelle sur les impôts"

Si cet échange traduit une fausse amabilité entre les deux élus, certains députés ne s'encombrent pas avec des formules de politesse et autres émoticônes. Un député PS ironise ainsi sur l'absence de dialogue entre son groupe et celui de la France insoumise. "Il faudrait qu'ils aient du temps à libérer avec les tweets qu'ils font contre nous", tacle-t-il à RTL.

Ces réseaux sociaux sont la plateforme où "ça se joue", constate de son côté un député Renaissance, qui cite l'exemple de la taxation des contribuables les plus aisés. "La gauche a gagné la bataille culturelle sur les impôts en faisant émerger la taxe Zucman dans le débat public", estime-t-il auprès des RTL, tout en soulignant que cette victoire n'est pas le fruit des politiques, mais "des influenceurs qui arrivent à convaincre" l'opinion. Et le parlementaire de citer  l'économiste Gabriel Zucman lui-même ou encore la militante écologiste Camille Étienne. "On a trop laissé le terrain des réseaux sociaux à l'extrême droite et l'extrême gauche", regrette-t-il.

Un regain de "tensions au sein du Parlement"

"Le Parlement a connu une vraie révolution", analyse le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet pour RTL. "Progressivement, avec les réseaux sociaux et le développement des chaînes d'informations en continu, il est devenu une maison de verre. "On voit tout, de façon permanente", ajoute-t-il. 

Conséquence directe : "Les réseaux sociaux sont devenus une extension du débat parlementaire. Cela provoque à la fois une tension plus forte au sein du Parlement, avec un spectaculaire beaucoup plus fort et avec des interventions qui sont parfois calibrées uniquement pour les réseaux sociaux."

Vu de l'extérieur aussi, les débats ont l'air plus intenses. Comme le souligne le fondateur de l'agence MCBG Conseil, "sur TikTok et Instagram, on assiste au prolongement des combats. Tout le monde est parti prenante du débat parlementaire. Ce qui est complètement nouveau, parce qu'on ne vivait pas l'intensité de la bataille au sein du Parlement". 

Avec un bilan mitigé pour l'expert en communication politique. "Cela produit des effets positifs parce que de plus en plus de gens participent, qu'ils le veuillent ou non, à cette culture démocratique", analyse-t-il. "Côté négatif, cela met beaucoup l'accent sur le combat et la lutte, sur le temps et la durée que ça prend de monter des coalitions. Ça peut provoquer une certaine fatigue démocratique."

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