Tueur du pont de Neuilly : en quoi David Sagno est-il un tueur en série "singulier" ?

Le pôle cold-case de Nanterre examine les parcours criminels de plusieurs tueurs en série. L'objectif : détecter la présence de Patrick Trémeau, Pierre Chanal ou encore Michel Fourniret dans certaines localités où ont été commis des crimes non-élucidés et espérer les relier où aux uns ou aux autres. Parmi ces tueurs sous les radars du pôle spécialisé se trouve David Sagno, surnommé le "tueur du pont de Neuilly".

En mars 2008, ce dernier s'est rendu au commissariat de Puteaux-La Défense pour se dénoncer : "J'ai tué deux femmes", annonce-t-il d'emblée. Ses deux victimes s'appellent Marie-Agnès Bedot et Maria-Judite Araujo, toutes les deux âgées de la quarantaine, marchant seules tôt le matin sur le pont de Neuilly qui relie la ville à la Défense en région parisienne. Il dit les avoir tuées après avoir les avoir violées. 

Et si David Sagno avait commis d'autres meurtres ? "Mon intuition (...) c'est qu'il est plus probable qu'il n'en ait pas commis d'autres, dans la mesure où il s'est rendu lui-même et où il avait une certaine fierté jubilatoire à rendre compte des horreurs qu'il avait commises", explique dans Les Voix du crime Daniel Zagury, expert psychiatre qui l'a examiné à son entrée en prison.

Les tueurs en série ne se dénoncent, ne se remettent en quelque sorte dans les mains de la police ou de la justice, que s'ils sont psychotiques

Daniel Zagury

Daniel Zagury, expert des tueurs en série, n'exclut pas que David Sagno aie pu avoir recours à la violence sous d'autres formes. "Il pourrait avoir commis d'autres actes, par exemple dans des moments de violence, de rixe, je ne sais trop quoi, mais des actes de la même nature que ceux-là, franchement, c'est possible, mais ce serait très étonnant", complète-t-il.

Dans ses confessions, David Sagno raconte avoir agi sous l'influence d'un double maléfique du nom de "Dan Tanaka", personnage imaginaire surpuissant dénué d'émotions. "S'il y avait eu d'autres actes répondant à cet idéal de Dan Tanaka, je ne vois pas pourquoi il aurait tué", insiste encore Daniel Zagury.

Son autodénonciation fait de lui un tueur en série à la fois courant et singulier. "Il y a un point clinique qui est important, c'est que les tueurs en série - ou en tout cas les grands criminels qui ressemblent aux tueurs en série - ne se dénoncent, ne se remettent en quelque sorte dans les mains de la police ou de la justice que s'ils sont psychotiques", explique Daniel Zagury qui a expertisé Guy Georges, Pierre Chanal ou encore récemment François Vérove, dit "Le Grêlé". 

C'est un peu comme manger quelque chose qu'on n'a pas goûté depuis longtemps et qui nous ravive

Au moment de son autodénonciation David Sagno n'est pas psychotique mais se sent "dériver dans la maladie mentale" et le clivage qui lui permettait de commettre ses crimes terribles tout en donnant le change au quotidien se trouve déséquilibré. Aucun rapport avec une éventuelle culpabilité vis-à-vis du fait que Marc Machin, agresseur sexuel en série, soit emprisonné à sa place pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot ou qu'il soit en délire psychotique.

À son procès, il n'a aucune honte à raconter les faits qui lui sont reprochés de manière crue. "C'est un peu comme manger quelque chose qu'on n'a pas goûté depuis longtemps et qui nous ravive", dit-il à la barre. "Je dirais qu'il était d'une certaine 'honnêteté', c'est-à-dire 'je vais répondre le plus précisément possible à la question que vous m'avez posée', affirme Daniel Zagury. Et ça, c'est ce que ne font pas les autres (tueur en série), parce qu'ils se doutent bien que ça va donner d'eux une image terrible et que ça va évidemment alourdir la peine."

Malgré ces singularités, David Sagno fait preuve de la même "cruauté absolue" que les autres tueurs en série. "Des émotions, hélas, il en a, mais ce ne sont pas les émotions habituelles de tout un chacun. Il a une jouissance absolue de toute puissance puisqu'il se compare à un dieu lui-même, poursuite Daniel Zagury. C'est ce que j'ai appelé, moi, chez les tueurs en série, 'l'orgie narcissique'." Il s'agit bien d'une émotion, insiste l'expert-psychiatre, mais pas une émotion éprouvée par tout un chacun.

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