Tueur du pont de Neuilly : comment l'autodénonciation de David Sagno a mis fin à une erreur judiciaire

1er décembre 2001 sur le Pont de Neuilly, dans les Hauts-de-Seine. Marie-Agnès Bedot, 45 ans, se rend à son club de gym. Elle est retrouvée morte à 10 heures du matin à ce même endroit. Interrogée par la police une femme signale le passage d'un individu lui ayant tenu des propos à teneur sexuelle aux alentours des faits. Sa description correspond à Marc Machin, déjà condamné pour des agressions sexuelles. En 2004, l'homme est condamné à 18 ans de réclusion criminelle. Pourtant, son ADN n'a jamais été retrouvé sur le corps de la victime. 

Il faudra attendre quatre ans pour que l'affaire prenne un tournant considérable : en 2008, David Sagno, un SDF de 33 ans, se présente au commissariat de Puteaux-La Défense. Il annonce : "J'ai tué deux femmes". Son ADN matche avec celui retrouvé sur le corps de Marie-Agnès Bedot. La seconde victime de David Sagno s'appelle Marie-Judite Araujo. Son meurtre s'est déroulé à la même heure, au même endroit, et avec le même mode opératoire. 

Face à ces aveux et ces preuves incontestables, David Sagno est placé en détention provisoire à la prison de Nanterre. C'est là que Daniel Zagury, expert-psychiatre, le rencontre. "La question qui se posait, c'était de savoir si c'était un peu par culpabilité qu'il se dénonçait. Il me semble que ce n'est pas du tout le cas", explique le médecin dans Les Voix du crime.

Nous allions examiner un homme qui s'était lui-même dénoncé après plusieurs années pendant lesquelles un autre avait à sa place purgé une peine

Daniel Zagury

Il se souvient avoir été interpellé par le contexte de son expertise. "Avant d'arriver comme experts, on est un citoyen qui lit les journaux et donc c'était quand même une affaire très singulière puisque nous allions examiner un homme qui s'était lui-même dénoncé après plusieurs années pendant lesquelles un autre avait à sa place purgé une peine. C'est quand même un contexte assez singulier qui n'arrive pas tous les jours", confie-t-il aujourd'hui.

Face aux experts, David Sagno est loquace. Il raconte "par le menu" les crimes qu'il a commis. Au milieu de ces descriptions graphiques, une question se pose : pourquoi est-il allé se dénoncer ? "Je pense qu'il est allé se dénoncer au moment où il s'est en quelque sorte, où il a glissé, dérivé vers la maladie mentale", estime Daniel Zagury. "Je pense que c'est à entendre surtout dans un contexte, j'allais dire délirant mystique. Si vous voulez, ce que je veux dire par là, pour faire simple, c'est que le David Sagno qui se rend à la police n'est pas le même que celui qui avait commis ces crimes."

Malgré tout, les experts concluent que son discernement n'était pas aboli au moment des faits et en 2012, David Sagno est condamné à 30 ans de prison. Après sa libération en 2008, Marc Machin commet de nouveaux faits d'agressions sexuelles. Il purge actuellement une peine de 16 ans de réclusion criminelle.

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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