"On va aller mourir ensemble" : ce que le terroriste de l'attentat de Strasbourg a dit au chauffeur de taxi pris en otage dans sa fuite

Le soir du 11 décembre 2018, Mostafa Salhane s'attend à une soirée chargée : depuis qu'il est chauffeur de taxi il sait qu'avec le marche de Noël et la fin de session du Parlement européen, Strasbourg est en demande de courses. Pourtant, ce soir-là tourne court.

Aux alentours de 19h50, Chérif Chekatt, individu fiché S pour radicalisation islamiste a ouvert le feu en plein marche de Noël. Il a poignardé des passants au hasard. Bilan : 5 morts et une dizaine de blessés. Dans sa fuite, il intercepte le véhicule de Mostafa Salhane. Le conducteur ignore tout du drame qui vient de se dérouler.

"Il demande à ce que je l'amène dans le quartier de Neudorf parce que sa maman est malade", raconte le témoin-clé de ce qui deviendra "l'attentat de Strasbourg" dans Les Voix du crime. Chérif Chekatt, qui n'est à ce moment-là pas encore identifié lui ordonne de se "dépêcher de rouler".

Tu fais le malin je t'allume : à partir de ce moment-là, c'est fini pour toi

L'assaillant de l'attentat de Strasbourg à Mostafa Salhane

Mostafa Salhane, d'origine marocaine, accepte d'entamer une discussion en arabe. "C'est assez virulent, c'est assez direct... Et après on recommence à parler français", se souvient-il. "On fait à peu près une centaine de mètres et là il m'annonce cette patate chaude en disant 'je viens de faire un attentat à Strasbourg, je viens de tuer dix personnes, j'ai tué des musulmans et sans doute j'ai tué aussi des militaires.'"

Chérif Chekatt le menace ensuite avec son arme : "Tu fais le malin je t'allume : à partir de ce moment-là, c'est fini pour toi, tu vas aller plus nulle part. Tu vas rester avec moi. Ce soir, on va aller mourir ensemble."

Le chauffeur de taxi, ancien karatéka ayant travaillé dans la sécurité, garde son sang-froid face à l'agressivité de son passager. "Lui commence à revendiquer au nom d'une religion, sa religion à lui qui n'est pas la mienne", explique-t-il. "Il parle de la Syrie, de l'Irak."

Cet échange est très très dur à accepter

Mostafa Salhane

"Il s'attaque aussi aux mécréants, poursuit Mostafa Salhane qui est musulman. Pour ces gens là, 'mécréant' c'est pas une race spécifique, c'est tout ce qui ne marche pas dans leur direction, que ce soit des arabes ou même des musulmans, des vrais musulmans qui ne marchent pas dans leur sens à eux. Et donc cet échange est très très dur à accepter."

Pendant que son interlocuteur "débite", Mostafa Salhane, lui, réfléchit à la manière dont il va pouvoir s'échapper. Il raconte cette course et sa fuite dans son livre 15 minutes pour sauver ma vie (Plon) qu'il publie à l'occasion de l'ouverture du procès de l'attentat de Strasbourg, le 29 février prochain. 

Dans le box des accusés ne se trouvera pas Chérif Chekatt, abattu par les forces de l'ordre après 48 heures de traque, mais des complices accusés de lui avoir fourni son arme.

>> Les Voix du crime sont avocats ou avocates, enquêteurs ou enquêtrices, proches de victimes, de suspects ou de coupables. Ces témoins-clefs se confient au micro des journalistes de RTL. Des témoignages inédits, qui apportent un éclairage nouveau sur la justice et les grandes affaires criminelles d’aujourd’hui.

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