Judith Godrèche : pourquoi l'actrice sort-elle du silence ?

Elle a mis du temps à réaliser ce qu'elle avait vécu lorsqu'elle était adolescente, qu'avoir 14 ans et être en couple avec un homme de presque 40 ans n'était pas normal. Judith Godrèche a porté plainte contre Benoît Jacquot pour viols sur mineur, ce qui a engendré d'autres témoignages d'actrices contre le réalisateur. Ce jeudi 8 février, l'actrice met également en cause un autre réalisateur, Jacques Doillon.

La comédienne a raconté qu'en 1989, lors du tournage du film La fille de 15 ans, ce qui était d'ailleurs son âge à cette époque, Jacques Doillon se serait substitué à son partenaire acteur prévu en inventant une scène de sexe à tourner. Une fois son pull-over hotté, il lui aurait caressé la poitrine et imposé un baiser, répétant les faits à 45 reprises, pour les besoins de prises multiples devant sa caméra. Des faits qui s'ajoutent à la plainte déposée contre Benoît Jacquot avec qui elle a vécu alors qu'elle n'avait que 14 ans.

Judith Godrèche et Benoît Jacquot vont passer six ans ensemble. Une relation ponctuée de plusieurs films qui parait aujourd'hui "violente", "toxique", "sous emprise", selon la comédienne, qui parle désormais de viol, ce qui justifie sa plainte devant la justice. 

Des décennies de silence

Ce jeudi, dans les colonnes du Monde, d'autres actrices ont apporté leurs témoignages concernant le réalisateur, aujourd'hui âgé de 77 ans. Vahina Giocante, Julia Roy, mais aussi Isild Le Besco évoquent les mêmes comportements : des violences verbales et physiques répétées, des comportements douteux imposés… Tout cela toujours sous couvert de cinéma.

Il s'agit de cette époque où l'on "pouvait tout dire et tout faire", cette époque après mai 68 où l'on savait être grivois. Sauf que les faits décrits par Judith Godrèche et les autres comédiennes relèvent de l'agression physique, de l'emprise psychologique. On reste loin de la drague un peu lourde. Cette génération de réalisateurs, d'acteurs, d'artistes qui s'installent aux commandes dans les années 70 et 80 surfe sur un esprit libertaire, transgressif, permissif, avec parfois l'autorisation tacite d'un milieu qui ferme les yeux. Claude François, par exemple, expliquait devant les caméras qu'il aimait les jeunes femmes entre 14 et 18 ans, mais qu'après, il se méfiait. 

Dans le cinéma, l'affaire Depardieu raconte également ce côté "Tu sais comment il est Gérard". Des agissements au service d'une promotion canapé qui servait parfois la logique du "Tu veux le rôle ? Tu couches". Tout le monde a fait semblant de ne pas être choqué pendant des années. Le scandale #MeToo et l'émergence d'une vraie conscience militante chez les jeunes femmes des années 2000 ont heureusement changé la donne.

La justice s'empare de l'affaire

À ce stade, Benoît Jacquot nie en bloc les accusations de viols de Judith Godrèche. Il a demandé ce jeudi matin à un célèbre cabinet d'avocat parisien de se saisir du dossier. Il reconnaît dans les colonnes du Monde avoir "donné un coup de pied au cul" de Judith Godrèche lors d'un dîner en Italie, puis une autre fois lui avoir jeté un verre d'eau au visage. Mais rien de plus que des discussions assez violentes, "des engueulades éventuellement vigoureuses", dit le réalisateur. 

Benoît Jacquot n'a jamais nié être fasciné par ses jeunes comédiennes, parfois mineures. Dans un commentaire diffusé en 2011 à la télévision, il évoquait sa relation avec Judith Godrèche. "C'est forcément une transgression parce que je ne sais plus, ne serait-ce qu'au regard de la loi, on n'a pas le droit en principe. Donc, une fille comme cette Judith, qui avait 15 ans, en principe, je n'avais pas le droit. Mais ça, elle n'en avait rien à foutre, elle ça l'excitait beaucoup."

C'est en regardant ce documentaire, Les ruses du désir : L'interdit, et en entendant ce discours de son ancien compagnon que Judith Godrèche aurait pris conscience de ce qu'elle considère aujourd'hui comme une affaire d'emprise et de viol. La comédienne a été entendue par les enquêteurs. Benoît Jacquot devrait l'être à son tour prochainement. Une confrontation entre les deux est probable.

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