Affaire Charles-Olivier Adde : récit d'un suicide collectif programmé

Au cours de l'été 2019, dans le village des Rives, au cœur du Larzac dans l'Hérault, Samantha Adde est retrouvée morte. Âgée de 43 ans, elle écrivait des contes pour enfants. Sa fille de 20 mois, Ombeline, est également découverte sans vie. Elles ont été tuées à bout portant avec une carabine, dans la cave de leur maison familiale

Le principal suspect, Charles-Olivier Adde, époux de la victime et père des enfants, avoue immédiatement. Mais ce n’est pas un crime ordinaire. Ce serait un pacte suicidaire, un accord conclu avec sa femme, acculée, terrifiée par l’idée que leur fille leur soit retirée par les services sociaux.

Aux Rives, 150 habitants, la famille Adde vivait en quasi-autarcie. Végétariens, refusant la vaccination, pratiquant l’instruction à domicile, ils étaient vus comme une cellule refermée sur elle-même. Certains habitants les surnommaient même "la secte". L’annonce du drame secoue le village, d’autant plus que deux garçons, âgés de 7 et 11 ans, sont rescapés.

Un couple contre le système

La famille qui avait choisi un repli social, comme l'explique Maître Chantal Corbier, avocate des deux fils du couple Adde : "Ils vivent complètement en autarcie. Ils sont isolés déjà géographiquement parce qu'ils s'installent dans un petit village. Et même dans ce village, les quelques voisins qu'ils ont, ne les connaissent pas. À la mairie, ils n'ont fait que de très rares apparitions pour expliquer que les enfants ne seraient pas scolarisés". 

Le couple était en conflit avec la PMI ou Protection maternelle et infantile. Leur fille Ombeline était jugée sous-alimentée. Un placement en hôpital avait été décidé pour permettre à la fillette de reprendre du poids. Samantha, farouchement opposée à cette décision, y voyait une menace d’enlèvement de tous ses enfants. 

Selon son mari, elle ne dormait plus depuis des jours, parlait de suicide collectif. Lui-même, épuisé psychiquement, accepte l’idée. "Elle m’a demandé de le faire", dira-t-il. Il exécute le plan, mais renonce à tuer les garçons.

Les enquêteurs s’interrogent : Charles-Olivier a-t-il vraiment agi de concert avec sa femme ? Ou a-t-il imposé ce “pacte” ? Les forums et lettres retrouvés laissent entrevoir un couple fragilisé. Samantha se plaignait parfois du comportement de son mari. Mais une lettre d’adieu retrouvée dans son ordinateur, destinée à Ombeline, témoigne aussi d’une conviction profonde : “Nous nous retrouverons dans un autre monde.”

"Un assassinat où la victime a consenti à mourir"

Jugé en mars 2022 à Montpellier, Charles-Olivier Adde raconte un effondrement progressif. “On n’avait plus de force, on a basculé.” Il est décrit comme un homme psychologiquement épuisé, influencé par une épouse déterminée, inquiète, obsédée par l’idée de perdre ses enfants. 

"C'était à ne pas douter un mari sous emprise. Elle avait un complexe de supériorité, elle disait sans cesse qu'elle avait un BAC +5 en psychopathologie, elle traitait le personnel médical de manière méprisante. Elle s'estimait docte sur tous les sujets. Lui s'estimait inférieur à elle, il était en admiration, il était amoureux et il subissait ses choix", détaille Maître Jean-Marc Darrigade, avocat de Charles-Olivier Adde, au micro de L'Heure du crime.

Les psychiatres évoquent une altération du discernement. Il est condamné à 18 ans de prison, avec une injonction de soins. "On lui reproche un assassinat, mais on est dans un assassinat où la victime a consenti à mourir, donc elle serait presque complice de son propre assassinat, c'est assez vertigineux ", se souvient Maître Jean-Marc Darrigade. 

Les invités de "L'Heure du crime"

- Maître Chantal Corbier, avocate au barreau de Montpellier et avocate des deux fils de Charles-Olivier et Samantha Adde. 
- Ionut Teianu, journaliste et réalisateur du documentaire Un bien étrange "suicide familial", diffusé sur W9. 
- Maître Jean-Marc Darrigade, avocat au barreau de Montpellier et avocat de Charles-Olivier Adde. 

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