Son restaurant est désormais centenaire. Paul Bocuse, le coude posé sur une table, le menton appuyé sur la paume de sa main, veste de chef, toque, col de meilleur ouvrier de France. Le chef, léger sourire en coin et regard malicieux, veille. Son portrait, en noir et blanc, tiré par le photographe Stéphane de Bourgies, est accroché à l'entrée de la cuisine.
"C'est notre guide, notre capitaine, notre mentor", explique le directeur du restaurant Vincent Le Roux. Les représentations de "Monsieur Paul" sont partout dans le restaurant. Photos, sculpture en bronze, statue même devant l'entrée disent sa légende.
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Sa disparition en 2018 ? "Un monde qui s'effondre" pour Vincent Le Roux qui l'a côtoyé pendant 10 ans. Le "deuxième choc" intervient l'année suivante, avec la perte de la troisième étoile au guide Michelin, "mais nos clients nous ont toujours suivi", affirme le directeur. "La fréquentation n'a pas changé, on a même eu un petit élan de solidarité." Il poursuit : "Toutes les équipes se sont mobilisées, je dirais même que la maison n'a jamais été aussi belle et motivée qu'aujourd'hui".
S'il y a un mot qui est rejeté en bloc à Collonges-au-Mont-d'Or, c'est celui de "musée". "Le restaurant Paul Bocuse est une maison vivante", poursuit Vincent Le Roux, initiateur de ce qu'il appelle, la tradition en mouvement. Cette opération de modernisation, en douceur, d'un temple de la gastronomie à la française, d'une grande maison de cuisine du XXe siècle.
"On respecte désormais la saisonnalité des produits", explique le directeur du restaurant. La phrase pourrait prêter à sourire. Une évidence en 2024 ? Pour les restaurants gastronomiques peut-être, quoi qu'il reste encore du travail dans certains palaces.
"Dire à un client japonais qui vient de faire 10.000 km qu'on ne sert la soupe VGE qu'en hiver, ça n'est pas simple". Pourtant, cette décision difficile, Vincent Le Roux l'a prise. Le plus mythique des plats de Paul Bocuse, la soupe aux truffes (un bouillon avec des petits légumes, du Noilly-Prat, du foie gras et des truffes servi dans un bol à tête de lions recouvert de pâte feuilletée), créée pour le président Valéry Giscard d'Estaing, n'est plus servie qu'à la saison des truffes.
Si les autres plats légendaires sont toujours à la carte - le rouget en écailles de pommes de terre, le loup en croute, la volaille en vessie - le duo de chefs aux commandes de l'institution modernise les dressages. Les quenelles, plat de tradition lyonnaise, sont désormais farcies de homards, la sauce champagne garnie le fond de l'assiette. "Dressage laser", comme disent les candidats de Top Chef.
Les légumes oubliés, "pour une bonne raison" selon Paul Bocuse, ne sont plus persona non grata, même les vins étrangers se font une micro place dans la cave.
À la pâtisserie, Benoit Charvet, champion du monde des desserts, pousse dans le même sens. Les desserts sont "dé-sucrés", les classiques dépoussiérés ; comme le Paris-Brest à la pistache, léger, aéré, loin de la crème au beurre des vieux livres de recettes.
"On ne révolutionne pas la maison, on la fait vivre", explique Vincent Le Roux. Il se défend de tout effet de mode, "il faut savoir vivre avec son temps, l'essentiel, c'est bien expliquer les changements à nos clients habitués, mais ils le comprennent toujours".
La salle n'échappe pas non plus à cette tradition en mouvement, décoration, vaisselle, et même organisation du temps de travail. Tout a été revu.
D'un restaurant ouvert 7 jours sur 7, capable d'accueillir une centaine de clients à la fois, la table de "Monsieur Paul" ferme désormais les lundis et mardis. La capacité d'accueil a également été réduite à 80 couverts pour assurer une meilleure qualité de service. La précision et le raffinement sont toujours plus grands en cuisine.
En revanche, s'il y a un point que la direction refuse de changer, c'est la convivialité du lieu. Depuis l'une des salles du restaurant, une musique d'anniversaire se fait entendre. Un groom tourne une manivelle sur un orgue de barbarie qui joue la chanson haut et fort, loin des clichés des restaurants gastronomiques guindés. Une grande salve d'applaudissement. Le brouhaha version bistro populaire reprend.
"On ne changera jamais là-dessus" assure Vincent Le Roux, convaincu que "de là-haut" Paul Bocuse doit être fier de ses équipes.
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