On ne sait plus très bien comment qualifier le déficit commercial français de 2022 et le mot "record" semble faible. Le solde constaté en 2022 s'élevait à 164 milliards d’euros d’écart entre nos achats à l’étranger et nos ventes au-delà des frontières, du jamais vu. Le précédent record datait tout juste d’un an, et même en 2021 il était deux fois moins important. Désormais, notre déficit dépasse les 7 points de PIB, un chiffre qui correspond à ceux de pays en voie de développement.
L’énergie l’explique en large partie. La hausse formidable des prix des hydrocarbures, gaz et pétrole, a renchéri la facture énergétique. De plus, la France, naguère un pays exportateur d’électricité, est devenue importatrice, à cause des déboires des centrales nucléaires fermées par dizaines. Cette conjoncture exceptionnelle explique 85% de l’aggravation entre 2021 et 2022. Les 15% restants sont imputés à la perte de compétitivité du made in France.
Face à la croissance du marché planétaire, la France a moins vendu à l'étranger que les années précédentes et l’évolution de nos parts de marché mondiales permet de le mesurer. L’année dernière, ces parts sont passées de 2,7% à 2,5%, contre 3% en 2017. En 2003, il y a vingt ans, la France occupait encore 5,2% du marché mondial, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
En une génération, nos parts de marché ont été divisées par deux. Pour partie à cause de la montée en puissance des pays émergents dans le commerce mondial, mais aussi parce que notre compétitivité se détériore. Cela ne signifie pas forcément que nos produits ne séduisent plus. La France s’est spécialisée dans l’exportation d’avions, de champagne et de sacs à main, de cosmétiques, de médicaments et d’armement.
Le bon résultat des services compense le tiers de notre manque sur les biens manufacturés, notamment grâce au retour des étrangers en 2022. En particulier les Américains, venus massivement visiter le pays et avec la baisse de l’euro par rapport au dollar, cela a rendu les séjours en Europe moins chers. Donc, à nos spécialités, outre les avions et les cosmétiques, il faut ajouter le château de Versailles et Disneyland Paris, mais aussi le transport maritime, puisque nous possédons l’un des premiers armateurs mondiaux, CMA-CGM, qui rapporte également des devises en vendant ses services sur tous les continents.
Du temps du franc, un gros déficit commercial aussi colossal aurait fait baisser notre monnaie, augmentant le risque d’inflation. Mais avec la monnaie unique, ce risque a disparu. Toutefois, ce déficit signale un affaiblissement de notre industrie, avec la disparition des emplois qualifiés qui l’accompagnent, et une augmentation de notre dépendance vis-à-vis de l’étranger.
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