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ÉDITO - Auto : est-il vraiment impossible de construire une citadine électrique en France ?
Bataille à distance entre le patron de Stellantis (l'ancien PSA Peugeot-Citroën) et Bruno Le Maire au sujet de la voiture électrique, car Carlos Tavares estime qu'il ne peut pas produire en France une petite citadine 100% électrique.
Une voiture électrique en train d'être rechargée (illustration)
Crédit : Mathieu Thomasset / Hans Lucas via AFP
Bataille à distance hier entre le patron de Stellantis, l'ancien PSA Peugeot-Citroën, et le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, au sujet de la voiture électrique. Carlos Tavares estime qu'il ne peut pas produire en France une petite citadine 100% électrique. Les deux hommes ne partiront sans doute pas en vacances en co-voiturage ensemble cet été.
Ces deux amoureux de la voiture sont chacun dans leur rôle et leurs échanges relèveraient presque du duel au pistolet façon western spaghetti. Selon l'industriel, il est impossible financièrement de faire une "e-208" 100% électrique en France, alors que ce modèle est déjà fabriqué en Espagne et en Slovaquie. "Qu'il relève le gant et le défi" lui a répondu le ministre.
Il semblerait que Carlos Tavares soit dans le vrai, car aujourd'hui, produire une petite citadine électrique en France n'est pas facile. Sur ce type de voiture, seuls 500 euros de marge sont dégagés de la production. C'est souvent la différence entre ce que peut vous couter la construction d'une voiture en France ou à l'étranger.
La course à l'électrique
Le marché de l'électrique représente seulement 15% des ventes de véhicules neufs, donc Carlos Tavares gagne plus d'argent avec les énormes pickups américains Dodge ou Ram. Ensuite, la petite voiture citadine électrique "made in France", ce n'est pas son combat puisqu'il veut défier Tesla sur son terrain. Il a annoncé ce mercredi 5 juillet qu'il allait construire une plateforme électrique à Sochaux mais pour y produire des SUV, qui sont plus rentables. De quoi attaquer Elon Musk et les constructeurs chinois.
Pourtant, Renault va fabriquer des petits modèles électriques en France et Toyota y parvient aussi à Onnaing. La marque au losange va lancer des nouveaux modèles en réactivant de vieux mythes pour jouer sur la fibre nostalgique qui parle aux français par rapport aux marques chinoises, perçues sans histoire et sans légende.
Peut-être que dans quelques mois, Carlos Tavares annoncera également une nouvelle ligne de production avec un nouveau petit modèle électrique, mais pour l'instant, il n'est pas prêt à le faire. De plus Onnaing est différent d'un point de vue économique et industriel puisqu'elle abrite une seule usine, flambant neuve, taillée pour les nouvelles productions. Actuellement, les moteurs viennent d'Europe centrale et le moteur, c'est la partie essentielle de la voiture électrique.
Bruno Le Maire peut-il forcer la main de Carlos Tavares ?
Carlos Tavares affirme qu'il n'a pas d'ascenseur à renvoyer, contrairement à Renault qui est très ancré sur le marché français et qui est plus fragile financièrement. Il menace donc de fermer ses portes en cas de pression trop forte du ministre de l'Économie.
Cependant, Bruno Le Maire a raison de lui mettre la pression, puisque l'État est en train d'organiser une filière de la batterie avec 4 gigafactories dans le pays, dans les Hauts-de-France. La voiture à 100 euros par mois, promise par Emmanuel Macron, sera officialisée dans les prochains jours et va couter très cher au gouvernement pour permettre à des ménages modestes de rouler en électrique grâce à un leasing social. Certains bonus écolos vont aussi être réservés aux modèles produits en France ou, a minima, en Europe.
De plus, la France a l'objectif de fabriquer 2 millions de voitures, ce qui n'est pas arrivé depuis les années 1970. Ces perspectives ne peuvent pas s'accomplir sans les deux grands constructeurs français dans l'aventure. Mais, en face, il y a une réalité économique, industrielle et commerciale : les constructeurs chinois arrivent sur le territoire avec des modèles électriques valant 10.000 euros de moins. Il faut donc être prêt à mener le combat et Carlos Tavares le sait, il ne suffit pas de quelques coups de menton politiques.
