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"Quelqu'un m'a pris sous son aile" : ces jeunes des quartiers Nord de Marseille qui échappent à la fatalité

Le 13 novembre, la mort de Mehdi Kessaci, 20 ans, le petit frère du militant écologiste et antinarcotrafic Amine Kessaci, a bouleversé Marseille. Face à la violence liée au narcotrafic, avoir 20 ans dans les quartiers Nord aujourd'hui, est-ce une fatalité ?

Des policiers patrouillent dans le centre-ville de Marseille, dans le sud de la France, le 21 mars 2024,

Crédit : Nicolas TUCAT / AFP

Marseille : rencontre avec Jihane, 18 ans, et Nassim, 21 ans, symboles de ces jeunes qui réussissent dans les quartiers Nord

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Etienne Baudu - édité par Juliette Vignaud

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Une jeunesse qui réussit malgré les obstacles. Il y a un peu plus d'un mois, Mehdi Kessaci était assassiné dans les quartiers Nord de Marseille déclenchant une vague d'effroi, de sidération et d'indignation. Un assassinat d'avertissement, selon le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez, envers Amine, son grand frère investi dans la lutte contre les narcotrafiquants.

Mehdi avait 19 ans et voulait devenir policier. Amine en a 22, et sa vie est pour l'instant entre parenthèses. Avoir 20 ans dans les quartiers Nord aujourd'hui, est-ce une fatalité ? Celle de devenir charbonneur, chouf, petites mains dans les réseaux sous la coupe de narcotrafiquants, celle d'être enfermée dans les quartiers comme dans un ghetto, de subir tous ces freins qui empêchent ces jeunes de rêver d'ailleurs. 

Pourtant, dans les quartiers populaires de la cité phocéenne, il y a aussi toute une jeunesse dynamique. Alors qu'Emmanuel Macron vient défendre son bilan du plan Marseille en grand ce mardi 16 décembre, RTL est allé à la rencontre de Jihane, 18 ans, et Nassime, 21 ans. 

Un parcours d'excellence

Jihane, 18 ans, a toujours aimé l'école et a toujours eu de bonnes notes. "L'instruction, c'est la clé. Il faut bosser", dit-elle au micro de RTL. Deuxième d'une famille nombreuse, elle a 3 sœurs et 3 frères, élevés seuls par sa mère. Mais l'environnement n'est pas forcément propice. Elle habite une cité dans le XIVᵉ arrondissement entre celles de la Paternelle, du Castellas et des Micocoulliers, qui font malheureusement parfois la Une des faits divers liés au trafic de drogue.

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"Il y a eu un jour où on a été confinés à l'intérieur du collège après des tirs devant le collège. Ça n'est pas anodin. Il y a quand même la peur qui reste malgré tout, car on va au collège pour apprendre et puis vivre ça, ce n'est pas normal", déplore la jeune femme. 

Au collège en 4ᵉ, son professeur de sciences est référent parcours d'excellence, des parcours qui accompagnent les collégiens méritants dans leurs études. Une rencontre décisive pour l'adolescente. "Il me pousse vers des parcours d'excellence. Pendant les vacances, je vais dans un autre collège pour faire des cours supplémentaires", décrit-elle. 

Grâce à ce parcours Jihane est acceptée au lycée militaire d'Aix-en-Provence, en 2023. En parallèle, la guerre entre la DZ Mafia et le clan Yoda fait rage juste à côté de chez elle. Son collège est visé par des tirs de kalachnikov. Aujourd'hui, Jihane est en terminale. La Fondation Archery, qui accompagne les élèves issus des quartiers populaires sur une durée de 10 ans, l'a prise sous son aile. Jihane sait déjà ce qu'elle veut faire : elle sera avocate pénaliste.

Nassim Bouguezzi, la "révélation" du théâtre

Nassim Bouguezzi, un jeune de 21 ans, est entré dans le monde du cinéma avec fracas, avec Pax Massilia d'Olivier Marchal. Il a également tourné avec Soprano dans le film Marius et les gardiens de la cité phocéenne sorti l'été dernier.

Nassim est né dans le quartier Saint-Jean-du-Désert avec comme voisin Jul le chanteur. Il a quatre frères et sœurs, un père chauffeur routier et une mère à la maison. Ce grand fan de l'OM a appris à jouer au ballon rond au pied des immeubles. Petit, il se voyait déjà joueur de football professionnel. C'est une rencontre, là aussi, qui va changer le cours de sa vie. 

"Quand j'avais 16 ans en seconde, quelqu'un m'a pris sous son aile, dans mon quartier. Un chef d'entreprise qui m'a dit que je ne percerai jamais au foot", s'amuse-t-il au micro  de RTL. "Il me dit que j'ai une gueule pour faire du cinéma, car j'ai des cicatrices. Moi, je lui ris au nez. Le destin fait qu'une semaine après, je suis en cours avec Malou Khebizi, en classe avec moi, qui me dit qu'elle va aller au théâtre", poursuit-il. Il l'accompagne. "C'est comme ça que j'ai commencé les cours de théâtre, à 16 ans. C'est la révélation, ça m'a permis d'améliorer : sociabilité, prise de parole, confiance en soi", souligne le jeune homme. 

Les deux jeunes Marseillais ont des questions à poser au président de la République. Pour Jihane, c'est la question du manque de moyens dans les établissements scolaires mais c'est aussi cette ségrégation visible qu'elle ressent. "À partir d'une certaine heure, les quartiers Nord ne sont plus reliés au reste de Marseille et ça laisse un peu le monopole à certaines personnes qui prennent le dessus et qui enferment les habitants dans la peur", dit-elle. 

Pour Nassim c'est aussi la question du manque de moyens, alloués aux structures culturelles. "On a beaucoup de terrains de foot par rapport aux cours de théâtre." Jihane et Nassim sont deux exemples parmi tant d'autres, ces jeunes qui réussissent dans les quartiers Nord. Ils sont nombreux et on ne les entend pas suffisamment.

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