Je parle souvent de la façon qu’ont les langues de s’influencer, de se marier entre elles et de faire des petits. Il s’est formé pendant la colonisation de l’Algérie par la France, de 1830 à 1962, un parler particulièrement savoureux mêlant quantité de langues de la Méditerranée. On l’a appelé le pataouète. C’est joli, non ?
Les experts se bagarrent sur l’origine du mot. Ce pourrait être une déformation du nom du quartier européen populaire d’Alger, Bab-el-Oued, ou bien une déformation du mot catalan patuès, qui veut dire "patois".
Le pataouète est une variante du français, truffée de mots issus des langues des autres habitants de la colonie qu’était alors l’Algérie, donc bien sûr beaucoup de mots arabes, mais aussi quantité de mots espagnols, italiens, kabyles, occitans, corses et autres, francisés, déformés par l’usage local.
Un sabir est une langue née du contact entre des locuteurs parlant des langues maternelles différentes placés devant la nécessité de communiquer".
Wikipédia
Il ne s’agit donc pas d’une langue à proprement parler ; c’est ce que l’on appelle un "sabir", une sorte de créole en formation. J’aime bien la définition de Wikipédia : "un sabir est une langue née du contact entre des locuteurs parlant des langues maternelles différentes placés devant la nécessité de communiquer".
Au sens figuré, dérivé de ce sens propre, "sabir" est un terme péjoratif, une espèce de charabia. Mais le pataouète est un sabir particulièrement savoureux parce que, comme chacun le sait, les pieds-noirs ont la tchatche.
Le pataouète est arrivé en même temps que les pieds-noirs en métropole, où il était fort peu connu auparavant. Evidemment, il n’existait pas de dictionnaires de pataouète, et, comme c’était une création informelle, on ne parlait pas le même pataouète à Alger et à Oran.
A Oran, il est plus teinté d’espagnol tout simplement parce qu’y vivait une importante population d’origine espagnole. Le mot "tchatche", d’ailleurs, vient de l’espagnol chacharear, qui veut dire bavarder. A Oran, par exemple, on n’allait pas faire un tour, on allait "faire une ouelte", "ouelte" étant la déformation de l’espagnol vuelta, la balade. Bien entendu, ce parler est en voie d’extinction…
Ses locuteurs ayant quitté l’Algérie en 1962, ils vieillissent et disparaissent les uns après les autres. Mais quantité de mots du pataouète sont entrés dans les dictionnaires et font désormais partie de la langue française.
Si vous allez chez le toubib, si vous faites une razzia au supermarché, si vous m’offrez un kaoua, si vous dites à votre gamin que sa chambre est un gourbi, ou si vous vous plaignez que, du flouze, vous n’en avez pas bezef, en quelque sorte, vous êtes bilingue français-pataouète !
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