J'ai reçu récemment deux messages d'auditrices agacées
par une dérive langagière que je n'avais pas remarquée. C'est l'erreur qui
consiste à utiliser l'adverbe aussi au lieu de non plus.
"C'est devenu extrêmement fréquent et par conséquent, extrêmement agaçant
!", dit Virginie. Et elle m'adresse un exemple, relevé sur
Internet : "Lui aussi ne s'avance pas sur les éventuelles causes du
phénomène", au lieu de "lui non plus", bien entendu...
Marie-Laure est également très énervée d'entendre "par exemple, ces jours-ci en publicité à la radio 'ce n'est pas mal
aussi'." Et bien sûr, elle a raison, il conviendrait de dire "ce
n'est pas mal non plus".
Le Larousse l'explique très clairement : dans le sens de "pareillement,
également, de même", aussi s'emploie dans des phrases affirmatives : "si vous
partez, je partirai aussi" ; non plus s'emploie dans
des phrases négatives : "vous ne partez pas, moi non plus".
Et puisque nous parlons de négations, savez-vous d'où vient l'étrange expression "Je n'y vois goutte" ? Vous savez forcément, amis des mots, qu'elle signifie "Je n'y vois rien", mais sa provenance est délicieuse...
Le latin nous a laissé deux négations, non et ne, qui se prononçait "né" au départ, mais qui a fini par se prononcer "ne", et même parfois "n". On disait alors "je ne mange" ou "je n'entre", au lieu de "je ne mange pas" et "je n'entre pas", comme nous le disons aujourd'hui. Et c'était la source de funestes malentendus parfois, la différence entre "entrez" et "n'entrez", "avance" ou "n'avance" n'étant pas des plus flagrantes.
C'est pour résoudre ce problème que l'on a ajouté
"pas" quand la négation se rapportait à un verbe de déplacement,
"n'avance pas" signifiant "n'avance pas d'un
pas" ; pour boire ou pleuvoir, on a ajouté "goutte" : "il ne pleut goutte", "je ne bois goutte" (sous entendu "pas même une goutte"). Avec tout ce qui concernait la nourriture,
on ajoutait "mie", qui voulait dire "miette" :
"je ne mange mie" (équivalant à "je ne mange pas une
miette"). Et l'on disait aussi "n'y voir point" ("même
pas un point"), une formule que l'on trouve encore dans les grands romans
du XIXe siècle, par exemple.
Avec le temps, tout cela s'est un peu mélangé, et, à
cause de la ressemblance sonore entre "voir" et
"boire", "Je ne vois goutte" s'est
installé dans l'usage, sur le modèle de "Je ne bois goutte".
"Très vite, ces compléments devinrent de simples adverbes interchangeables et longtemps, en ancien français, mie fut la négation la plus employée", nous explique l'excellente rubrique "Dire, ne pas dire" du site de l'Académie française, où j'ai découvert cette histoire délicieuse. On disait donc "je ne peux mie" au lieu de "je ne peux pas" aujourd'hui. Et vous savez maintenant que le "pas" de "Je ne peux pas" ou "Je ne veux pas" est, à l'origine, un vrai pas, de ceux que l'on fait avec ses pieds. Joli, non ?
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