Direction le Gers, entre Éauze et Auch se trouve le petit village de Lagraulet-du-Gers. Son maire, Nicolas Meliet, a décidé d'en faire un exemple. La cantine est bio, mais devant les difficultés d'approvisionnement en légumes bio, il a décidé de faire un potager municipal. La ville a donc acheté une ferme et embauché un jardinier pour s'en occuper.
Les légumes produits alimentent la cantine qui accueille les 38 élèves de l'école, mais aussi les anciens qui le souhaitent. C'est une ambition, faire manger bio les enfants c'est aussi les sensibiliser à l'environnement et à manger sain et varié. Il s'agit indirectement de toucher leurs parents.
Ici, à la cantine scolaire, ce n'est pas bon, c'est très très bon. Les assiettes sont vite vidées, pas de gaspillage et de grands sourires comme celui d'Élise, huit ans : "J'ai mangé du pâté avec de la salade, une sauce et un gratin de chou-fleur aux légumes." Les anciens aussi en profitent pour huit euros par repas. Un bain de jouvence pour Robert qui a 62 ans de plus qu'Élise, mais qui est tout aussi gourmand : "J'étais un redoublard", lâche-t-il en rigolant. "De temps en temps on vient manger à la cantine. Ça m'évite de faire la cuisine. C'est tous les produits habituels, mais c'est tout du bio."
Celle qui régale cette quarantaine de convives c'est Magalie, la cuisinière, la cantinière. Toute jeune, elle adore les bons produits et les faire partager surtout. "On est engagé au quotidien avec la saisonnalité, avec les produits frais et tout en bio (...). Je cuisine comme je fais à la maison. Mardi ça a été des lasagnes végétariennes par exemple, demain ce sont des escalopes de veau d'un producteur local. Pour cet hiver, je leur ai fait découvrir des topinambours, des rutabagas... Enfin voilà, des légumes un peu anciens."
Mais pour en arriver là, il a fallu faire des choix, des choix politiques. Quand le maire a décidé de passer au bio à la cantine, ça n'a pas traîné. En six mois, c'était fait. Nicolas Meliet est agriculteur bio, natif de Lagraulet, et il met ses actes en accord avec ses valeurs : "Au niveau de la viande, ça a été très facile. Nous avons de suite identifié des producteurs. Paradoxalement, c'est beaucoup plus compliqué de s'approvisionner sur des légumes. On a conclu qu'il fallait qu'on produise nous-mêmes en régie les légumes, et nous avons embauché une personne en précisant sur son contrat de travail, un employé communal qui serait destiné à produire des légumes. Ce qui a fait rigoler un peu quand on l'a signifié."
La municipalité a acheté une ferme et embauché Sébastien, employé communal, chauffeur de bus scolaire, et donc jardinier du potager municipal. "Alors là, dans le jardin devant je n'ai pas grand-chose parce qu'il ne fait que pleuvoir. Par contre, on a une serre là et dans la serre j'ai des carottes, j'ai des radis, j'ai semé des salades, des petits pois et des épinards. Et en plus, on fait participer les enfants aussi. Ils viennent avec moi semer certains légumes, et ils les récoltent. C'est plus facile pour eux de les manger parce que c'est leurs légumes à eux quoi."
Pour y arriver, monsieur le maire ne s'est pas compliqué la vie : "Je suis allée à Mouans-Sartoux, une commune qui a fait ça depuis 10 ans, j'ai tout pompé là-bas. Des fois, j'entends les élus dire "on va faire des études, on va prendre un bureau d'études". Ouais, on va déjà dépenser des ronds à faire réfléchir des gens qui ne sont pas sur le territoire. Moi je dis non, il y a des expériences que vous pouvez transposer chez vous."
Le maire a de l'ambition : "Aujourd'hui, je souhaite que Lagrolay soit le modèle, c'est peut-être prétentieux, mais dire aux autres collectivités qu'on peut le faire et que c'est possible. Qu'on arrête de nous casser les pieds en nous disant "on n'a pas d'argent, ce n’est pas possible (...). Ce n'est pas que nourrir nos enfants, aujourd'hui, le plus important, c'est qu'on les éduque. Si j'essaie de dire à mon compatriote du même âge que moi "il faut que tu manges bio", il m'envoie sur les roses. Par contre, quand c'est son enfant qui revient de l'école et qui lui dit "papa, pourquoi on ne mange pas bio à la maison ?", là je peux vous dire que le résultat est différent." Pour lui, c'est devenu le facteur de développement de la commune. En douze ans, le nombre d'habitants est passé de 350 à 670.