Aujourd’hui, nous parlons de mots qui fâchent. J’ai reçu récemment un message furibard d’André, qui m’écrit : "Pourriez-vous user de votre influence, a priori importante, auprès de la rédaction de RTL pour qu’elle freine l’usage de l’adverbe effectivement ? Avec certains intervenants, on a dix effectivement à la minute, c’est à en avoir le tournis !"
Cher André, je ne suis pas sûre que mon ascendant soit aussi important que vous l’imaginez, mais je vais essayer ! J’ai déjà entendu Stéphane Carpentier et Christophe Pacaud se chambrer mutuellement sur le sujet, au moment du passage d’antenne. Mais ils sont loin d’être les seuls à abuser des "effectivement" ! Je reçois quantité de courrier sur cette question des tics de langage. Tenez, un autre, signé "Dominique, 75 ans depuis le 18 février", qui lui aussi s’agace de ceux qu’il qualifie d’"effectivementistes" parmi lesquels il dénonce "une certaine avocate de l'émission de Julien Courbet".
Il s’en prend également aux "voilàistes", ceux qui abusent du mot "voilà", mais il attribue "le pompon" à un journaliste invité de Thomas Sotto "qui a ponctué son propos d’un nombre incalculable de 'en fait' (si je dis 50, je ne dois pas être loin de la vérité !)", s’exclame-t-il.
"Effectivement", "voilà", "en fait", c’est ce qu’on appelle des "mots béquilles", on dit aussi parfois des "mots d’appui". D’ailleurs, voilà, j’avoue, je fais partie de la secte des voilaïstes ! Car personne n’échappe à ces tics de langage, pas même ceux qui s’en agacent. Pourtant, si on les appelle "mots béquilles", c’est qu’ils ont aussi leur utilité. On les remarque particulièrement à la radio et à la télévision.
Pourquoi ? Eh bien, parce que, tenir le micro, ce n’est pas toujours simple. Pour commencer, le silence est interdit, et il est impossible de corriger ses erreurs, ses imprécisions de vocabulaire ou ses fautes de français. Alors, parfois, on recourt à ces petits mots qui, certes, n’apportent guère de sens, mais qui, en jouant les bouche-trous, donnent le temps de réfléchir à la suite. Dire "effectivement" au lieu de "oui", c’est cinq syllabes au lieu d’une pour trouver la bonne repartie !
Et il n’y a pas que dans les médias qu’on utilise ces mots béquilles, loin de là ! D’ailleurs, je dédie cette chronique à Gabriel, qui est en 6e, et qui dit sans cesse "en fait", au point que sa maman, Sylvie, m’écrit qu’elle se demande ce que c’est que "ce truc répétitif qui lui colle à la langue". Souvent, pour un enfant, il s’agit d’éviter de laisser un blanc dans son discours, pour conserver l’attention de l’interlocuteur. Même si les tics de langage des jeunes vont plutôt vers les locutions du style "c’est clair", "en mode", "grave", "j’avoue" ou "trop pas !"
Alors comment lutter contre ces tics ? Il est quasi impossible de se passer de ces béquilles, qui vous l’avez compris ont leur utilité, mais on peut les varier, car finalement c’est la répétition qui agace (au passage, le plus crispant, ce sont les "euh" à tout bout de champ !) Au hasard, à un effectivementiste, on peut conseiller d’alterner avec "absolument", "en effet" ou "oui" ! C’est un si joli mot, "oui". On dirait un bisou : "oui".
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