La saison 2024-2025 de Ligue 1 sera-t-elle celle de la démocratisation du streaming illégal du football en France ? La question est soulevée alors que les fans n'ont jamais été aussi nombreux à se tourner vers l'illégalité pour contourner les prix de plus en plus élevés des abonnements pour regarder les matchs.
Le championnat de France a fait sa rentrée ce week-end sous les caméras de son nouveau diffuseur DAZN. La plateforme britannique a récupéré les droits de la Ligue 1 au terme de longues semaines de tractations pour environ 500 millions d'euros, la moitié du montant espéré par la Ligue de football professionnel. Et malgré la baisse des recettes pour les clubs du pays, l'heure est à l'inflation pour les fans de foot.
Cette année, il faut débourser près de 15 euros par mois pour profiter d'un match lambda à chaque journée et 30 ou 40 euros par mois (avec ou sans engagement) pour visionner 8 des 9 rencontres. Un forfait auquel il convient d'ajouter 15 euros pour le dernier match licencié par BeIN Sports. En comparaison, le Pass Ligue 1 d'Amazon a permis pendant 3 ans de visionner 80 % des matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 tout en donnant accès aux catalogues d'Amazon Prime, Prime Video, et Amazon Music pour un peu plus de 20 euros par mois.
Ces prix jugés exorbitants pour une offre dégradée ont convaincu de nombreux amateurs de football de se tourner vers des solutions illégales, via l'application Telegram ou un boîtier IPTV pour l'essentiel. De plus en plus populaires au fil de la fragmentation de l'offre de football à la télévision ces dernières années, ces flux n'ont jamais été aussi faciles d'accès qu'aujourd'hui. Pour le match d'ouverture de la Ligue 1 vendredi, plus de 200.000 personnes étaient ainsi connectées sur des liens illégaux diffusant DAZN sur des boucles Telegram. Et près de 800.000 spectateurs ont été comptabilisés sur une page YouTube brésilienne diffusant la rencontre, accessible illégalement en France depuis un VPN. Un préjudice important pour la plateforme britannique dont les téléchargements n'ont pas connu l'explosion escomptée ce week-end, alors qu'elle vise 1,5 million d'abonnés sous six mois.
Nouvel eldorado du piratage sportif, l'application Telegram s'est imposée depuis 2022 comme l'une des solutions les plus prisées des fans de foot face à la hausse des prix des abonnements et au tarissement de l'offre des sites de streaming diffusant illégalement les compétitions sur Internet.
Accessible gratuitement depuis un smartphone, une tablette ou un ordinateur, à la seule condition de lier un numéro de mobile, la messagerie russe créée en 2014 abrite des dizaines de groupes dédiés au foot en streaming dont les liens se partagent par milliers sur X les week-ends et les soirs de matchs.
Dans ces espaces gratuits, suivis parfois par plus de 100.000 membres, les pirates, qui opèrent pour certains depuis Bali, Dubaï ou la Thaïlande, diffusent les flux des rencontres de Ligue 1 et de coupes d'Europe en direct. On y retrouve aussi les affiches de Premier League ou de Liga, les courses de Formule 1, le MMA, et parfois même le cinéma et les séries du moment.
Sur les réseaux sociaux, les amateurs de sport s'échangent aussi les bons plans IPTV, des boîtiers donnant accès à des abonnements piratés. À l'origine, l'IPTV est une technologie licite, qui permet simplement de capter la télévision par Internet. Aujourd'hui, on trouve des dizaines de fournisseurs d'IPTV illégales qui piratent les programmes de Canal+, Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, BeIN Sports et désormais DAZN pour moins de 100 euros par an. D'après l'Arcom, 1,85 million de Français ont utilisé une IPTV illégale en 2023.
Les diffuseurs et la LFP ont des recours pour faire respecter leurs droits. La France a musclé son arsenal contre le piratage des événements sportifs ces dernières années, avec notamment la fusion du CSA et de l'Hadopi au sein de l'Arcom en 2022 et l'entrée en vigueur d'un dispositif dédié qui permet à la LFP d'obtenir le blocage des sites de streaming et des IPTV illicites auprès des fournisseurs d'accès à Internet pour l'ensemble de la saison. Fait nouveau, la ligue a obtenu pour la première fois début août une injonction préventive qui doit lui permettre de faire appliquer plus rapidement les mesures de blocage cette saison.
La lutte contre les boucles Telegram est un écueil plus important. Si les diffuseurs et les ayants-droits, via leurs prestataires technologiques, parviennent facilement à repérer et signaler les flux illicites, la plateforme refuse de jouer le jeu de la modération en direct. "Toutes les diffusions illicites sont notifiées par notre prestataire anti-piratage Athletia. Le problème à cet égard est que les délais de réponse de Telegram sont fluctuants (jusqu’à 24 heures) et s’avèrent incompatibles avec un retrait en temps utile s’agissant de contenus diffusés en direct", confirme la LFP auprès de RTL.
Pour parer à cette problématique, la LFP appelle de ses vœux "une législation au niveau européen qui permettra une cessation dans les délais les plus brefs des diffusions illicites".
Ces pratiques sont évidemment illégales et peuvent donner lieu à des sanctions pénales. En théorie, un spectateur regardant du football via une IPTV diffusant des flux piratés ou via la plateforme Telegram peut être reconnu coupable de recel de contrefaçon et passible de 5 ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende. En pratique, les internautes français risquent surtout un rappel à la loi. 137.000 avertissements ont été émis l'an dernier. En cas de récidive, des amendes allant de 90 à 1.000 euros peuvent être prononcées. Pour l'heure, les autorités s'attachent surtout à cibler les diffuseurs. L'Arcom a fait bloquer plus de 1.500 noms de domaine illégaux qui donnaient accès à ces rencontres piratées ces derniers mois.
Pour les utilisateurs d'IPTV et de Telegram, les risques sont aussi inhérents à la cybersécurité. Brancher un boîtier piraté sur son réseau domestique n'est pas sans danger pour les données personnelles du foyer. Les clients de ces offres illégales ne sont pas non plus à l'abri d'une arnaque lors du paiement de l'abonnement. Les consommateurs d'IPTV illicites n'ont pas la garantie que leurs flux ne seront pas coupés avant le terme de leur abonnement et aucun recours légal à leur disposition. L'installation d'un virus lors de l'ouverture d'un flux vidéo est aussi un risque à considérer. Autre aspect à prendre en compte, les chaînes Telegram qui diffusent les rencontres sportives dissimulent parfois des activités malveillantes, incitant les consommateurs à s'inscrire sur des plateformes de jeux d'argent, à prendre part à des arnaques aux cryptomonnaies ou à visionner des images pornographiques. Enfin, il convient d'avoir à l'esprit qu'en s'adonnant à de telles pratiques, les fans de foot contribuent, à leur échelle, à appauvrir l'objet de leur passion, malgré leur aspiration légitime à ne pas être pris pour des vaches à lait.
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