Vocabulaire : faut-il dire "rétrospectivement" ou "rétroactivement" ?

Les amis des mots ont le souci d’utiliser les mots à bon escient, et c’est une bonne idée. D’abord, Steph, de Paris “souhaite connaître la différence de sens et d’usage des mots multiplicité et multiplication", et Valérie, d’Issy-les-Moulineaux, se demande si elle doit servir à midi une plaTée de riz ou une plâTRée de riz. 

Marie-Laure, de Brest, se demande "comment distinguer et bien employer rétrospectivement et rétroactivement". Et, pour faire bonne mesure, il y a un journaliste du Monde qui ne m’a pas posé de question, mais qui aurait pu, puisqu’il a écrit dans un article que l’on déplorait "le vandalisme d’une sculpture chrétienne"…

Commençons donc par ce vandalisme. Le vandalisme, rappelons-le, nous vient de ce peuple germanique délicat, les Vandales, qui envahit et dévasta la Gaule au début du Ve siècle, au point que leur nom est devenu synonyme de pillage et de barbarie. Le vandalisme, c’est, selon la définition du Petit Larousse, le "comportement d’une personne qui détruit ou mutile des objets, qui commet des déprédations, par [simple] volonté de nuire ou [même] sans raison précise". On ne peut donc pas parler de vandalisme d’un objet. Comment une sculpture pourrait-elle détruire quoi que ce soit ? Évidemment, il fallait écrire "on déplore qu’une sculpture ait été vandalisée".

Rétrospectif ou rétroactif ?

Et pour la question de Marie-Laure, sur la différence entre rétrospectivement et rétroactivement. Là, c’est subtil, en effet. Les deux mots sont formés sur ce préfixe latin, retro, qui veut dire "en arrière", celui qu’on retrouve dans le rétroviseur (ce truc bien commode qui pour regarder vers l’arrière avant de doubler). Rétrospectif, donc, est formé sur retro et sur spectare, qui veut dire "regarder, observer". 

Selon le Petit Robert, rétrospectif, c’est "qui regarde en arrière dans le temps, qui concerne le passé", on parle de "l’examen rétrospectif des faits". On parle aussi de "peur rétrospective", bref, d’un "sentiment actuel qui s’applique à des faits passés". Sur le moment je n’ai pas eu peur, puis j’apprends que j’ai échappé à un danger, et là j’éprouve une peur rétrospective. Par exemple, là, je mange ce délicieux croissant, puis Valérie m’apprend que Stéphane a tenté de me le piquer, (ça ne m’étonne pas !), pendant que j’étais allée me chercher un café à la machine, et j’en éprouve une peur rétrospective.

Et pour rétroactif ? Rétroactif, c’est retro + le verbe agere, "mener, conduire", qui a donné agir en français. Bref, dans rétroactif, il y a l’action : il ne s’agit plus seulement de constater, de regarder. Une loi rétroactive exerce une action sur ce qui est antérieur à elle. 

Par exemple, vous piquez mon croissant ce matin. Aujourd’hui, ce n’est pas très sévèrement puni par la loi. Mais imaginons que les députés, las de tous ces vols de croissants qui se produisent chaque week-end dans les locaux de RTL, votent demain une loi punissant d’une semaine de prison les voleurs de croissants. À partir de là, ce crime sera puni. Mais si la loi est rétroactive, même le vol de ce matin pourra être puni rétroactivement par la loi de la semaine prochaine.

Multiplication ou multiplicité ?

Passons à la question de notre auditeur parisien… Là, c’est assez simple, la multiplicité, c’est “le caractère de ce qui est en très grand nombre”. Le Larousse donne l’exemple de la “multiplicité des étoiles”. La multiplication, c’est l’accroissement en nombre. On ne parlerait de multiplication des étoiles que si elles devenaient de plus en plus nombreuses.

Et enfin vais-je manger une plaTée ou une plâTRée de riz à midi ? Alors, c’est bien une platée que l’on dit, une platée étant le contenu d’un plat, comme une assiettée est celui d’une assiette ! Reste à espérer que le riz de Valérie ne soit pas trop plâtreux… ce qu’il devient parfois quand il est trop cuit. Bon appétit, amis des mots !