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Orthographe : faut-il écrire "vert", "vers", "ver" ou "verre" ?
Les amis du "Bonbon sur la langue aiment les dictées" ; Muriel Gilbert leur en a concocté une… poétique.
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Crédit : michael-hamments/unsplash
Comme promis, voici une "petite dictée". Amis des mots, équipez-vous vite d’un stylo et d’une feuille de papier. Vous avez adoré, si j’en juge par le nombre de réactions, la mini-dictée d’il y a deux ou trois semaines autour des homonymes de "100" (sans, c’en, s’en, cent…). Eh bien nous allons partir sur une autre mini-dictée d’homonymes, plus littéraire, puisqu’il s’agit d’un poème de Maurice Carême. À vos stylos, amis des mots.
Le poème, bien nommé, s’intitule Homonyme. (On remplace les points de suspension par un homophone de verre)
"Il y a le … du cerfeuil
Et il y a le … de terre
Il y a l’endroit et l’en…
L’amoureux qui écrit en …
Le … d’eau plein de lumière
La fine pantoufle de …
Et il y a moi, tête en l’air,
Qui dis tout de tra...”
Corrigé de la dictée dans deux minutes, en fin de Bonbon sur la langue. C’est vrai que "verre" a beaucoup d’homonymes ! C’est le mot qui en a le plus en français, en effet. Au passage, rappelons qu’homonyme vient du grec, fondé sur onoma (“le nom”, qu’on retrouve dans “onomatopée”), et sur homos (“identique”, qu’on retrouve dans homogène ou dans homosexuel).
Pourquoi tant de mots qui se prononcent pareil ?
Mais comment se fait-il qu’il y ait tant de mots qui se prononcent pareil en français ? Ici, pour l’essentiel, il s’agit de mots issus du latin, dont la dernière syllabe est tombée avec le temps en français. Vous savez qu’on a cette habitude de couper la fin des mots ? En langage savant, on dit qu’on pratique l’apocope ; en vérité, c’est juste pour s’amuser ou parce qu’on a envie de parler plus vite… ou même par simple flemme.
L’apocope, c’est ce que vous faites sans le savoir si vous êtes en train de prendre le p’tit déj au lieu du petit déjeuner, si vous êtes prof au lieu de professeur, ou si vous avez prévu cet aprèm (au lieu de cet après-midi) de faire votre compta au lieu de votre comptabilité. Bref on ne cesse de couper les mots… au point que parfois ils en viennent à se ressembler.
Le ver de terre est un raccourci issu du latin vermis, le vers de la direction (vers l’école, par exemple) vient du latin versus, qui a aussi donné le vers de la poésie – en passant, figurez-vous, par les sillons de la charrue : le vers de poésie, qui s’écrit comme le vers de vers l’école, VERS, vient du même mot latin, versus, désignant également, le "fait de tourner la charrue au bout d’un sillon", puis par analogie les lignes d’écriture… d’où les vers de la poésie.
Le vert qui est une couleur vient de viridis (la couleur s’est d’abord écrite VERD en ancien français), tandis que la matière transparente et fragile, le verre, est issu du latin vitrum, qui a également donné… eh oui, la vitre ! Il y a enfin le plus rare de tous, le vair, qui est une fourrure d’écureuil, issu du latin varius signifiant "moucheté, tacheté", qui a aussi donné les yeux vairons (les yeux de couleurs différentes). Au passage, les experts s’empaillent pour savoir si la pantoufle de Cendrillon était à l’origine en vair peau d’écureuil ou en verre transparent – voilà où nous conduit cette farceuse homophonie.
En résumé, voici le corrigé de la dictée :
"Il y a le vert du cerfeuil
Et il y a le ver de terre
Il y a l’endroit et l’envers [ici en un seul mot naturellement, ENVERS]
L’amoureux qui écrit en vers
Le verre d’eau plein de lumière
La fine pantoufle de vair
Et il y a moi, tête en l’air,
Qui dis tout de travers." [un seul mot aussi TRAVERS]
