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Grammaire : faut-il écrire "pensais-je" ou "pense-je" ?

Muriel Gilbert explique un petit "é" mystérieux qui fait s’interroger bien des amateurs de romans.

Image d'illustration
Crédit : felicia-montenegro/unsplash
Grammaire : écrit-on "pensais-je", "pense-je" ou "pensé-je" ?
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Muriel Gilbert

Amis des mots, nous allons revenir sur une curiosité de notre grammaire, un "é" un peu surprenant, et qui surprend notamment Chantal, qui m’a écrit cette semaine, et qui se dépeint comme une "lectrice gourmande" (ça tombe bien, ce sont mes favorites, les lectrices gourmandes, ce sont celles qui aiment les Bonbons sur la langue… française).

Je vous lis son message : "Chère madame, C’est à la correctrice que je m’adresse ce jour. Je viens de terminer le roman de Lisa Gardner intitulé Preuves d’amour (collection Le livre de poche)" (vous voyez que Chantal est quelqu’un de très précis !). "Je me suis arrêtée, explique-t-elle, sur l’orthographe des verbes murmurer et souffler dans les phrases suivantes : 'Il avait le tesson de bouteille, murmuré-je' et 'J’ai eu peur de mourir, soufflé-je.' Et naturellement Chantal me demande mon avis sur la question.

Ce qui est surprenant dans ces phrases ne s’entend pas : c’est une question d’orthographe. Et c’est une question que l’on me pose assez souvent. Dans les exemples relevés par Chantal, murmuré-je et soufflé-je sont écrits avec un E accent aigu, un é. Bref on écrit "é" là où Chantal attendait sans doute, puisque son récit est au présent, un simple E sans accent.

"L'inversion sujet-verbe"

Donc, y a-t-il des fautes dans ce roman ? Ah, peut-être mais… pas celles-là en tout cas ! Ces "é" qui l’étonnent sont simplement des formes inhabituelles, donc plutôt méconnues. Alors, quelle est cette drôle de bestiole grammaticale ?
Eh bien, il arrive en français que l’on pratique ce qu’on appelle un rien pompeusement "l’inversion du sujet" ou "l'inversion sujet-verbe". C’est le cas dans ces deux exemples.

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Dans une phrase classique, le sujet précède le verbe ("Muriel veut un croissant"), mais on peut également avoir "Veut-elle un croissant ?" et là le sujet (elle) vient après le verbe : c’est un sujet inversé. Ce sujet inversé, on le trouve souvent dans les questions (Venez-vous, Que font-ils ? Aime-t-elle les nouilles ?). Mais on le trouve également dans les récits : "J’en ai marre", s’écria-t-il (et non "Il s’écria") ; "Tu es une andouille”, remarqua Valérie (et non “Valérie remarqua”).

"M’exclamje ?! Remarkje ?!"

Tout ça ce sont des cas où l’on inverse l’ordre entre le sujet et le verbe, et on en a tous l’habitude, on ne le remarque même pas quand on lit un roman. Maintenant, quand le récit est écrit au présent de l’indicatif, on obtient "J’en ai marre, s’exclame-t-il" ou "Tu es une andouille, remarque Valérie".

Ça roule toujours sans problème. Mais mais mais… Quand le récit est à la première personne du singulier, bref que le sujet est je ? Ah là, parfois, ça se corse. Ça donne "J’en ai marre, m’exclame-je", ou "Tu es une andouille, remarque-je". "M’exclamje ?! Remarkje ?!" Voilà. Vous avez mis le doigt dessus, amis des mots, c’est im-pro-non-çable. Voilà pourquoi les petits malins de jadis ont décidé que, en pareil cas, le E muet, ce E qu’on n’entend pas à la fin d’exclame et de remarque deviendrait… un "é".

En somme, quand le verbe se termine par un E muet, suivi du pronom personnel je, ce E muet devient… sonore ! La blagounette supplémentaire, c’est que ce "é" se prononce… "è". Eh oui ! Ce qui fait que, d’ailleurs, à l’oral, on pourrait croire que c’est un imparfait. Bref. Quoi qu’il en soit, la réforme de l’orthographe de 1990 permet d’écrire E avec un accent grave (è), comme ça se prononce… ce qui est un tout petit peu moins tiré par les cheveux.

Ce "é" (ou ce "è"), que vous ne trouverez jamais dans les tableaux de conjugaisons, sert simplement à rendre la phrase plus facile à prononcer et à entendre, c’est pourquoi on l’appelle parfois "é euphonique" (du grec euphonia, qui veut dire "harmonie"). On le retrouve également à l’imparfait du subjonctif, d'ailleurs – certes ce temps-là est devenu très très rare, mais c’est pour ça qu’on dit : "Je vous apporterai un croissant, chère Muriel, dussé-je pour cela traverser tout Paris [et non dusse-je]."

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