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Langue française : peut-on parler de "panacée universelle" ?
Muriel Gilbert nous offre une balade mythologique dans l'histoire d'un mot étonnant.
Norbert, du Puy-en-Velay, dans la Haute-Loire, me dit qu’il a sursauté l’autre jour quand un médecin, au sujet de l’épidémie de grippe actuelle, a déclaré que le vaccin n’était pas "une panacée universelle".
"Il me semble que c’est un énorme pléonasme", remarque Norbert, qui me demande par la même occasion "d’où vient ce mot bizarre, panacée, qui ressemble à panard".
J’ai adoré cette question, véritable petite madeleine de Proust musicale, qui m’a instantanément remis en mémoire une chanson qui passait partout sur les antennes de radio quand j’étais toute petite. Buvons, buvons, buvons le sirop Typhon…
Vous vous souvenez, amis des mots ? C’est de Richard Anthony, je crois…, je ne sais pas si c’est ce qu’il a fait de mieux. En tout cas, si je savais bien ce que c’était qu’un sirop, je me souviens que je me demandais ce que ça voulait dire, "universelle panacée-hé-hé".
Qu'est-ce que c’est qu'une panacée ?
Au premier sens du Larousse, c’est un "remède universel à toutes les maladies" : c’est pour ça que Norbert parle de pléonasme - commettre un pléonasme, rappelons-le, c’est donner deux fois la même information, dire deux fois la même chose, comme quand on parle de descendre en bas, de monter en haut, de dessiner des dessins ou d’offrir un cadeau gratuit.
Une panacée universelle, ou même une universelle panacée, comme dans la chanson, c’est un "universel remède universel"… En effet, il y a pléonasme... mais il est extrêmement fréquent. On le trouve y compris sous la plume d’auteurs aussi renommés que Chateaubriand, Balzac, Eugène Sue ou George Sand.
Plante et déesse de la guérison
Quoi qu’il en soit, pour répondre à la deuxième partie de la question de Norbert, le mot panacée est arrivé en français par le latin, comme c’est le cas des trois quarts de ceux de notre langue, mais, à l’origine, le mot vient du grec panakeia, désignant une "plante imaginaire qui servait de remède universel, personnifiée sous le nom de la déesse Panakeia [Panacée en français, ben oui], symbolisant la guérison grâce aux plantes", raconte le Dictionnaire historique de la langue française.
D'ailleurs, en grec, pan signifie "tout", comme dans panafricain ou panoplie, tandis que akos, c’est le "remède". Bref, rien à voir avec le panard, désolée, Norbert.
Alors, j'ai trouvé plein de détails complémentaires sur la biographie de cette fameuse déesse Panacée dans un gros livre très rigolo baptisé Croustillante mythologie (c’est de Delphine Gaston-Sloan, aux éditions Larousse).
Panacée était la fille d’Asclépios, dieu de la médecine. "Devenu nom commun, la panacée a pris un caractère métaphorique. Elle désigne tout ce qui peut aider les humains à panser leurs plaies", du chagrin d’amour à la crise économique.
Souvent utilisé de manière ironique
J’ai l’impression d’ailleurs qu’on entend plus souvent "ce n’est pas la panacée"… J'ai par exemple récemment lu dans Le Monde que l’intelligence artificielle n’était "ni la fin du monde ni la panacée", ou que "réduire les exonérations de charges patronales [n’était] pas la panacée".
Bref, le mot est bien souvent utilisé de manière ironique, et dans des phrases négatives, comme on dirait "ce n’est pas le remède miracle".
Alors, si le vaccin contre la grippe n’est pas une panacée, le professionnel de santé épinglé par Norbert n’a certainement pas manqué de rappeler un petit truc simple pour s’en protéger : les désormais bien connus gestes barrières (vous vous souvenez de l’époque Covid-19 ?) avec notamment l’hygiène des mains.
Eh bien figurez-vous que ce mot-là, hygiène, nous arrive tout droit lui aussi de la même famille de la mythologie grecque. Hygie, ai-je encore découvert dans ma Croustillante mythologie, était la déesse de la santé, chargée spécialement de la prévention de la maladie. Et bien sûr, elle aussi était fille du dieu de la médecine, Asclépios, ce qui en fait… eh bien, la petite sœur de notre chère Panacée !
