Aujourd’hui, amis des mots, on va parler grammaire. Ah, effacez-moi cette grimace : je vais vous démontrer que la grammaire n’est pas une punition mais au contraire le comble du glamour. Je vais vous en faire la preuve par l’histoire, grâce à un livre qu’une linguiste, Françoise Nore, vient de publier aux éditions de l’Opportun sous le titre : J’en perds mon latin !
L’ouvrage s’ouvre justement sur l’étymologie passionnante de la grammaire. Remontons le temps, jusqu’à un verbe grec, graphein, qui veut dire “gratter”, et par extension “écrire” (oui, les premiers écrits se faisaient en grattant une surface dure, on est loin de notre stylo-feutre favori qui glisse tout seul sur une feuille A4 à grands carreaux). Ce graphein, les amateurs de langue française le connaissent bien, car ajouté au grec orthos, signifiant “debout, dressé”, c’est lui qui nous a donné l'orthographe, l’art d’écrire droit, quoi !
Graphein est aussi à l’origine de l’italien graffito, dont le français s’est emparé au pluriel avec les graffitis. Mais avant cela, dès le XVIIe siècle, un dérivé de graphein, prographein, signifiant “écrire à l’avance”, a donné notre programme. “Également dérivé de graphein, le nom gramma, [désignant “un écrit, une lettre”], est présent dans la locution grecque grammatike tekne, l’art des lettres”, explique l’auteure. Cette locution passera en latin, où nos lettrés du XIIe siècle iront la pêcher pour forger le mot grammaire, avec le sens d’“étude du langage”.
Et maintenant, accrochez-vous, amis des mots, car c’est là que l’usage vient mettre la pagaille dans les bricolages savants des lettrés médiévaux. Cette science, la grammaire latine, “était totalement incompréhensible pour la quasi-totalité de la population”, on l’imagine aisément. “Un ouvrage écrit en latin et traitant de choses inconnues ne pouvait que relever de choses mystérieuses et occultes”, s’amuse Françoise Nore, et gramaire (avec un seul M), rapidement devenu grimoire, a pris le sens de “livre de magie”.
Parallèlement, autre péripétie, comme quantité de mots français, grammaire avait aussi traversé la Manche. Le mot a débarqué en Grande-Bretagne avec le sens de “grammaire latine, règles du latin”, sens qui a assez vite évolué vers celui d’“étude” en général, d’“instruction”. Petit voyage vers le nord, et nouveau virage du sens du mot : en Écosse, grammar se met à désigner plus spécifiquement le savoir occulte, un peu comme en France avec l’histoire des grimoires.
De grammar on passe à glamour, qui, au XVIIIe siècle, désigne la “magie, l’enchantement”, avant de repasser en Angleterre avec le sens de “beauté magique, charme séduisant”… pour enfin, dans les années 1970, revenir en France, où glamour, cet anglicisme, qui finalement n’en est pas un, dépeint désormais un charme sophistiqué.
CQFD ! À partir d’aujourd’hui, je ne veux plus entendre de ronchonnements quand on annonce le cours de grammaire : la grammaire est la mère du glamour, la grammaire est l’essence même du glamour !
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