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Pourquoi dit-on "poser un lapin" ?

Certaines expressions nous plongent dans des abîmes de perplexité ; voici, avec Muriel Gilbert, l’histoire d’un intrigant lapin...

Un lapin
Un lapin
Crédit : sgalagaev/unsplash
Pourquoi dit-on "poser un lapin" ?
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Pourquoi dit-on "poser un lapin" ?
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Muriel Gilbert

Ah, ça faisait un petit moment que nous n’avions plus parlé d’expressions, amis des mots, et on dirait que ça manque à certains. Notamment à Hanaé, tenez, qui m’interroge sur Facebook. Je vous lis son message : "Bonjour, en discutant avec des amis chinois, j'ai découvert que poser un lapin, se dit poser un pigeon en chinois. Et donc, je me demandais si vous savez pourquoi on dit poser un lapin en français. Merci d’avance pour votre réponse !"

C’est vrai, c’est bizarre, cette expression, comme beaucoup d’expressions, et d’ailleurs je soupçonne que cette bizarrerie fait partie de leur succès : on emploie des expressions parce que ça nous amuse, autrement, on pourrait toujours dire "Machin n’est pas venu au rendez-vous." Mais c’est tellement plus marrant de dire qu’il nous a posé un lapin. Tenez, ça nous consolerait presque ! 

Ce qui est amusant aussi, c’est qu’on se rend souvent compte de l’étrangeté des expressions que nous employons tous les jours uniquement quand quelqu’un qui ne les comprend pas nous pose la question de leur sens… Bien souvent, c’est un étranger, comme ici les amis d’Hanaé, ou alors c’est un enfant : eux aussi font la découverte la langue française à mesure qu’ils grandissent.

En Allemagne, on “donne un panier”

Alors, ce lapin ? Lapin, d’abord, est un mot relativement récent, en français. On a appelé ce doux animal à longues oreilles connil, puis connin, du latin cuniculus, c’est ce qui explique que les éleveurs de lapins domestiques soient des cuniculteurs (ou des cuniculiculteurs) et non des lapiniculteurs. La proximité du mot con, avec tous ses sens dérivés, plus ou moins sexuels, plus ou moins vulgaires, fait que l’usage, à partir du XVIIe siècle, a choisi de changer le nom d’une sympathique bestiole qui ne demandait rien.

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Mais pourquoi le lapin dans notre expression ? Cet animal prolifique a toujours été synonyme de fécondité. C’est aussi ce qui explique que l’on parle de "chaud lapin", une autre expression. Son absence est donc synonyme d’infertilité, et par là, par extension, de pauvreté. Poser un lapin a d’abord eu le sens très précis de "partir sans rétribuer les faveurs d’une prostituée", puis l’expression s’est répandue, explique le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey, "dans l’usage familier avec le sens de ‘ne pas être au rendez-vous convenu’".

Si les étrangers trouvent (à raison !) cette expression étonnante, eux non plus ne manquent pas d’imagination en la matière : on a vu que les Chinois posaient des pigeons (ou plutôt, je crois qu’ils les envoient). Aux Pays-Bas, on dit qu’on "envoie son chat", en Allemagne, on "donne un panier", tandis qu’en Italie on "jette le paquet". Allez, notre lapin est quand même le plus mignon de tous. Quoi qu’il en soit, promis, je ne vous en poserai pas, amis des mots : je serai à ce micro, fidèle au poste, le week-end prochain !

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