Amis des mots, je vous invite dans les coulisses du journal Le Monde… Voilà, j’étais chargée de corriger la "une" du Monde, un matin de cette semaine. Le rédacteur en chef du jour, occupé, lui, à la rédiger, cette "une", était assis à ma gauche.
Un humoriste dont j’ai oublié le nom s’émerveillait que tout ce qui se passe sur Terre en une journée soit juste de la bonne longueur pour remplir un quotidien. Eh bien, il y a un truc auquel tous ceux qui ne travaillent pas dans la presse écrite ne pensent jamais : le rôle de la "une", c'est de donner envie de d’acheter le journal en en résumant le contenu, certes, mais cela en fort peu de caractère.
Un peu comme à la radio on ne dépasse pas le temps imparti, en presse écrite, c’est l’espace qu’on ne peut pas dépasser. Or la correctrice, qu’est-ce qu’elle fait ? Bien souvent elle ajoute des virgules, des S, des consonnes doubles, tout ce que les autres oublient, quoi. Et bien souvent aussi, que se passe-t-il ?
Eh bien ça fait tout déborder, et les rédacteurs ne sont pas contents, qui se sont creusé le ciboulot pour résumer au maximum leur sujet… et qui du coup sont obligés de s’y recoller !
Bon, je peux parfois négocier sur une virgule, accepter une abréviation ou un chiffre en chiffres là où il aurait été plus élégant qu’il soit en toutes lettres, mais quand, comme ce matin-là, il manque le P final à l’adverbe beaucoup, là, ça ne se discute pas. Et quand je l’ai ajouté, ce P… forcément, le texte a débordé de partout.
"Faut-il vraiment un P à beaucoup ?, a tenté de négocier en toute mauvaise foi le plaisantin qui se trouvait à ma gauche. Après tout, on ne l’entend pas. Et d’ailleurs, d’où vient ce P inutile ?" Là, vous me connaissez, amis des mots, ni une ni deux, je dégaine mon Dictionnaire historique de la langue française… et je découvre quoi ?
Que si beaucoup prend un P, c’est parce que coup prend un P (coup COUP, comme dans coup de boule, coup de poing, coup du lapin, qui vient du latin colPus), bref, je découvre que beaucoup, à l’origine, c’était beau coup, en deux mots, apparu dans notre langue au XIIIe siècle, pour désigner “une grande et belle chose”, avant d’être soudé en un seul mot au siècle suivant et d’en profiter pour supplanter l’adverbe moult.
À noter que beaucoup s’employait différemment, à l’origine. On pouvait l’utiliser dans des constructions devenues incorrectes aujourd’hui, comme "Jean-Sébastien est beaucoup élégant" - toujours avec une idée positive, puisqu’on y percevait encore l’adjectif beau. On n’aurait jamais dit : "Elle est beaucoup pénible" mais "Elle est beaucoup agréable", ça marchait. En somme, une seule chose n’a jamais changé : en un mot ou en deux, beaucoup a toujours pris un P ! Ah mais.
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