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Orthographe : faut-il écrire des "pros sympas" ou des "pro sympa" ?
Métro, ciné, télé, sympa… : Muriel Gilbert se penche sur le pluriel piégé des mots que l’usage a raccourcis.
C’est un échange sur le réseau social X qui m’inspire aujourd’hui, amis des mots. Si je dis que "Les métros de Paris sont conduits par des pros sympas", est-ce que quelque chose attire votre attention ?
Eh bien tous ces mots, métro, pro, sympa, sont ce que l’on appelle des "troncations", des mots tronqués. J’ai déjà parlé dans le Bonbon sur la langue des apocopes, ces termes dont l’usage (c’est-à-dire nous, hein) a tronqué la fin, comme métro, raccourci de métropolitain, ou pro, version courte de professionnel, ou même sympa, apocope de sympathique.
Certains de ces mots ne sont même plus utilisés dans leur forme longue : qui va au cinématographe, ancêtre du cinéma et du ciné ? Qui prend un taximètre, ancêtre du taxi ? En revanche, quand on dit de quelqu’un que c’est un vrai pro, le mot est encore ressenti comme plutôt familier ; dans une langue soutenue, on dira professionnel. C’est un peu ce qui explique la question qui m’a été posée l’autre jour sur X (ex-Twitter) : "Le mot métro prend-il un S au pluriel ?"
J’ai répondu que, bien sûr, il en fallait un. Sur quoi Lili, de Rouen, m’a demandé si l’on en mettait aussi aux pros, aux sympas et aux télés. La réponse est oui aussi. Mais c’est vrai, la question se pose, car cela ne va pas de soi. Dans mon enfance, qui n’est pas si lointaine que ça, on écrivait “des gens sympa” sans S à sympa.
Et d’ailleurs, c’est toujours ce que recommande mon vénéré Dictionnaire historique de la langue française : "sympa, adjectif invariable". Sympa est venu concurrencer sympathique en 1906, et aujourd’hui Petit Larousse comme Petit Robert décrivent cet adjectif comme variable. De même que métro et pro, d’ailleurs.
Désaccord entre dictionnaires
Pourquoi ce désaccord entre les dictionnaires ? Certains mots tronqués, certaines apocopes, sont entrées dans l’usage depuis si longtemps qu’elles ont acquis le statut de mots ordinaires, tandis que d’autres sont encore ressentis comme des raccourcis familiers. On tend à accorder les premiers, mais pas les nouveaux venus, auxquels c’est vrai on peut trouver étrange de retirer une syllabe… avant d’y ajouter un S.
Par ailleurs, la simplification de l’orthographe de 1990 propose plutôt l’accord. Pour l’Académie française, l’idée serait surtout d’accorder ces termes quand ils sont des noms (Ces types sont des proS, avec un S) mais pas quand ils sont adjectifs (Ces conducteurs pro, sans S à pro). Et tous les dictionnaires sont d’accord pour dire qu’on écrit des vidéos avec un S mais des jeux vidéo sans S…
Vous avez l’impression qu’il n’y a pas vraiment de règle ? Vous avez raison. Disons qu’il n’y a pas de règle intangible en matière d’accord des mots tronqués. Choisissez votre dictionnaire, amis des mots… et surtout ouvrez-le ! Et si vous avez encore des doutes, je vous attends toute la journée au Salon du livre d'Aumale, en Seine-Maritime !
