Langue française : faut-il écrire "Nos beaux amours" ou "Nos belles amours" ?

Amour, délice et orgue : ces trois noms ont une caractéristique unique, révèle Muriel Gilbert…

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Crédit : christopher-beloch/unsplash

Langue française : Nos beaux amours ?

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Julien, de Bordeaux, m’adresse cet intéressant message : "Bonjour Muriel, une question me turlupine depuis des années. Pourquoi existe-t-il des noms communs masculins au singulier et féminins au pluriel (comme amour et orgue). Certains de nos contemporains, ajoute-t-il, diraient que ces mots sont agenres ou non binaires."

C’est peut-être ma chronique de dimanche dernier, où je parlais d’orgue de Barbarie, qui a inspiré Julien… Et si vous commencions par expliquer ce que signifie "agenre" ? Agenre, en un seul mot, avec ce petit préfixe A qu’on qualifie de "privatif" devant le mot bien connu genre. Bref, agenre pourrait se traduire littéralement par "sans genre".

Genre a mille significations, de "J’aime le genre humain", à "La voisine a mauvais genre" en passant par "Quel est votre genre littéraire de prédilection ?"

Mais le sens dont il est question ici, c’est celui de la construction sociale de l’identité sexuelle. Pour citer le Robert : L’"Identité de genre, [c’est le] genre auquel une personne s’identifie (homme, femme, les deux à la fois ou ni l'un ni l’autre)". Quant au second terme employé par Julien, non binaire, il "se dit des personnes dont l'identité de genre se situe en dehors du modèle de genre binaire homme ou femme".

Masculin ? Féminin ?

Nous avons souvent évoqué ici le genre des mots, parce qu’il fait partie des curiosités de notre langue farceuse, et pas seulement pour les étrangers qui ont le mérite d’essayer de la maîtriser sans être tombés dedans quand ils étaient petits. Tous ceux qui ont grandi en France savent qu’on dit un fauteuil mais une chaise, une tulipe mais un œillet.

En revanche, je vois bien souvent des erreurs sur le genre d’haltère, par exemple, d’oasis, d’augure ou d’armistice (pour info, on dit UN haltère, UNE oasis, UN augure et UN armistice !

On parle souvent également des mots épicènes, c’est-à-dire qui ne changent pas au masculin et au féminin, comme les prénoms Camille, Claude ou Dominique, et les noms communs enfant, spécialiste, journaliste, novice ou même imbécile, tenez (un ou une enfant, un ou une spécialiste, un ou une journaliste, un ou une novice, un ou une imbécile).

Enfin, je le répète car on me pose la question une fois par semaine au moins, on peut dire un ou une après-midi. Et puis il y a les trois mots les plus surprenants de tous – oui, notre ami Julien en a oublié un : amour, orgue mais aussi délice. Ce sont les trois seuls de la langue française qui sont masculins au singulier (un amour, un délice, un orgue de Barbarie), et qui peuvent devenir féminins au pluriel : vos merveilleuses amours seront célébrées au son des grandes orgues de la cathédrale dans des délices ébouriffantes.

Des mots ont commencé leur carrière en français au féminin

J’ai bien dit "peuvent devenir féminins". On considère aujourd’hui que cette féminisation au pluriel relève de la langue littéraire. Il se trouve que ces mots ont commencé leur carrière en français au féminin, ou en hésitant sur leur genre, et ce genre a flotté, jusqu’au XVIIe ou au XVIIIe siècle, et il en est resté cette trace… Trace qui, comme vous le comprenez, est d’ailleurs en voie de disparition, car la langue de tous les jours parle maintenant d’amours, de délices et d’orgues… au masculin !

Voilà ! Alors je ne sais pas s’il y sera question d’amour, de délices ou d’orgues, car pour une fois ce n’est pas moi qui ai écrit le texte, mais je vous attends cet après-midi à 15 heures à La Rochelle, où j’anime la dictée du Rotary, c’est au profit de la lutte contre l’illettrisme. C’est dans l’amphithéâtre du lycée hôtelier, avenue des Minimes. Je mets toutes les infos sur mes réseaux sociaux, Facebook et mon Instagram murielgilbert.com. Amis des mots, venez en famille !

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