Amis des mots, en ce 31 décembre, je réponds à une multitude d’auditeurs à la fois, car nous allons aborder une question que je reçois au moins une fois par mois. Je me suis dit qu’il fallait la régler avant la fin de 2022. La dernière à m’interroger fut Béatrice, de Dinard, qui, comme je ne répondais pas assez vite à son message, m’a téléphoné à mon bureau au service du correction du Monde : elle n’en pouvait plus de ne pas savoir – au passage, je suis désolée, je réponds aux messages autant que je le peux, mais ça devient difficile ! Il faudrait mettre en place un service SOS Langue française sur le modèle de SOS Médecins pour les gens qui souffrent de malaises linguistico-orthographiques urgents…
Bref, Béatrice voulait savoir "comment on écrit autant/au temps pour moi". C’est une question qui agite les amis des mots à un point qui me surprend, parce que moi, je n’aime pas beaucoup cette expression. Dire "autant pour moi", c’est reconnaître son erreur, certes, mais d’une façon un peu pédante, selon moi, et presque antinomique avec le fait de faire amende honorable. Mais surtout cette expression m’agace parce que personne ne sait comment l’écrire, justement.
La question est donc : faut-il écrire "autant", l’adverbe autant, en un seul mot, ou bien faut-il écrire "au temps" en deux mots, version qui a en général la faveur des puristes.
Eh bien, il y a autant de verdicts que d’autorités linguistiques. Le dictionnaire de l’Académie française comme le Petit Larousse votent pour "au temps", en deux mots, l’expression étant selon eux "issue du langage militaire, dans laquelle Au temps ! se dit pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début". L’Académie reconnaît que "la graphie autant est courante aujourd’hui", mais affirme que "rien ne la justifie".
À l’opposé, l’un de mes spécialistes favoris des expressions françaises, le délicieux Claude Duneton, affirme que l’on ne trouve aucune trace de cet usage dans les écrits militaires. Quant à Grevisse, l’illustre grammairien du Bon Usage, quand même, il se demande si l’orthographe d’origine n’était pas celle en un seul mot : autant. La meilleure, c’est que mon Grand Robert donne les deux graphies, lui, en qualifiant celle en un seul mot de "familière", avec le sens de "je reconnais mon erreur", tandis que celle en deux mots signifierait que l’on "admet son erreur et la nécessité de reprendre et reconsidérer les choses".
En somme, amis des mots, autant pour vous ou au temps pour vous, écrivez-le comme vous voulez, vous aurez au moins un éminent spécialiste dans votre camp. Et n’en parlons plus… au moins jusqu’en 2023 !
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