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L'exposition des nouveaux vitraux de Notre-Dame de Paris, imaginés par Claire Tabouret et exposés au Grand Palais à Paris.
Crédit : Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
"Ce projet appartient à tous, il est pour tous". Un an après avoir été choisie pour créer les vitraux contemporains destinés à être installés à Notre-Dame de Paris, l'artiste Claire Tabouret présente jusqu'au 15 mars 2026 au Grand Palais un premier regard, le plus fidèle possible, sur son travail à travers six maquettes "grandeur nature" et de nombreux travaux préparatoires.
L'initiative voulue conjointement par l'archevêque de Paris et le président de la République, suscite depuis deux ans une virulente désapprobation de la part d'experts et de défenseurs du patrimoine qui dénoncent le retrait de vitraux d'une importance majeure.
Consciente de la portée historique et du débat légitime que soulève cette décision, Claire Tabouret répond à la controverse par la transparence et la pédagogie, invitant le public à "l'accompagner dans cette aventure" pendant que dans le même temps, les artisans de l'Atelier Simon-Marq, à Reims, s'attèlent à la fabrication des vitraux attendus à Notre-Dame en 2026.
L'aventure en question a commencé le 8 décembre 2023. Ce jour-là, en plein cœur du chantier de Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron dévoilait l'installation prochaine de vitraux contemporains dans la cathédrale en marge des travaux de restauration.
"La marque du siècle", affirmait-il, sur une cathédrale déjà considérablement marquée par sa destruction partielle dans l'incendie du 15 avril 2019. Selon le chef de l'État, cette demande, à laquelle il "souscrit pleinement", a été formulée par Mgr Ulrich, archevêque de Paris, dans une lettre dont RTL révélait le contenu le 6 décembre 2023.
Les contours de cette initiative à 4 millions d'euros ont rapidement suscité la colère des amoureux de la cathédrale et du patrimoine, furieux, non pas de l'arrivée de vitraux contemporains, mais du remplacement d'une partie d'un ensemble de vitraux pensé par Eugène Viollet-le-Duc, architecte de la grande restauration de Notre-Dame de Paris au XIXe siècle.
Mentionnés dans la lettre de l'archevêque, ces vitraux à motifs géométriques appelés "grisailles" sont ceux de 6 des 7 chapelles du bas-côté sud et sont classés au titre des monuments historiques. Ils n'ont pas été détruits, ni même endommagés par les flammes et ont même fait l'objet de travaux d'entretien après l'incendie.
Les grisailles imaginées par Viollet-le-Duc font partie d'un ensemble plus vaste, issu du travail historique des plus grands spécialistes français de la restauration d'édifices médiévaux. Remplacer une partie des vitraux de cet ensemble revient ainsi, selon les détracteurs du projet, à défigurer une pièce majeure du patrimoine français.
Mi-2024, face à l'ampleur de la mobilisation, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), qui devait initialement rendre un avis en novembre 2024 après le choix de l'artiste lauréat, s'est saisie de la question avec plusieurs mois d'avance, votant "à l'unanimité" contre. Un avis d'experts purement consultatif à destination de la ministre de la Culture.
Une pétition lancée par La Tribune de l'Art contre le projet a désormais atteint les 300.000 signatures tandis qu'un recours a été déposé devant la justice administrative par l'association Sites et Monuments et rejeté fin novembre. L'association a annoncé faire appel de cette décision.
C'est dans ce contexte électrique que Claire Tabouret offre un premier regard sur ce travail attendu à Notre-Dame d'ici la fin d'année 2026, comme le faisait Christo avant, par exemple, d'emballer un monument. Dans une vaste galerie du Grand Palais, elle présente D'un seul souffle, l'exposition d'un ensemble d'esquisses qui lui ont notamment permis d'être sélectionnée par le jury et de travaux préparatoires, mais surtout, les maquettes grandeur nature des futurs vitraux de la cathédrale.
"Ces derniers mois, j'ai créé des maquettes à taille réelle pour chacune des six baies concernées dans le bas-côté sud de la cathédrale, explique l'artiste. Chacune fait environ 7 mètres de haut. J'ai voulu ainsi être très proche des cartons que réalisent les maîtres-verriers de l'Atelier Simon-Marq".
La technique du monotype (la peinture est appliquée sur une plaque de plexiglas avant d'être imprimée sur papier), familière à l'artiste et similaire à celle du vitrail, permet au public d'observer un résultat fidèle à la version finale qui sortira des ateliers rémois. "Pour chacune des six baies, poursuit l'artiste, j'ai peint ainsi une cinquantaine de morceaux correspondant aux différentes pièces des vitraux et leurs rosaces, assemblés ensuite dans ces très grandes maquettes."
J'aimerais permettre au public d’en débattre, de s’approprier cette création et lui donner envie de la découvrir en vitrail
Claire Tabouret dans "La Croix"
Le Grand Palais avait prévu depuis plusieurs années d'organiser une exposition consacrée au travail de Claire Tabouret, bien avant l'aventure des vitraux de Notre-Dame. L'artiste, qui se trouve bien malgré elle au cœur d'une querelle patrimoniale, a saisi cette opportunité pour inviter le grand public dans les coulisses de ce projet qui, dans quelques mois, fera vraisemblablement partie du patrimoine français.
"C’est un moment de partage avec le public, insiste-t-elle. Ce projet
appartient à tous, il est pour tous". Dans les colonnes de La Croix, en juin dernier, Claire Tabouret confiait ainsi vouloir "permettre au public d’en débattre, de s’approprier cette création et lui donner envie de la découvrir en vitrail".
Au public, donc, de se faire son avis sur ces vitraux à l'incarnation figurative puissante, aux antipodes des grisailles purement géométriques jusqu'alors installées à Notre-Dame. Mais, l'artiste insiste, la transition est douce : les couleurs sont vives mais équilibrées, les vitraux conserveront la lumière blanche de la cathédrale.
Le rejet du premier recours de Sites et monuments, ajouté à la révélation de ces maquettes, qui n'ont parfois pas convaincu, a donné un nouveau souffle à la pétition lancée il y a deux ans, qui a enregistré plusieurs dizaines de nouveaux venus en quelques jours pour dépasser le stade des 300.000 signatures.
D'autres recours sont attendus d'ici le mois de mars, date à laquelle, selon La Tribune de l'Art, les vitraux de Viollet-le-Duc pourraient être retirés. D'ici là, le public est invité à prendre part au projet de Claire Tabouret jusqu'en mars prochain avant que ne soient dévoilés les vitraux définitifs réalisés par l'Atelier Simon-Marq.
Claire Tabouret, D'un seul souffle, du 10 décembre 2025 au 15 mars 2026 au Grand Palais, 7, avenue Winston Churchill, 75008 Paris.
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