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Pornhub, Xvideos, TuKif... Les sites pornographiques les plus populaires bloqués en France mardi ?

Cinq sites pornographiques parmi les plus populaires ont rendez-vous au tribunal judiciaire de Paris. La justice pourrait contraindre les fournisseurs d'accès à les bloquer au motif qu'ils sont trop facilement accessibles aux mineurs.

Le site internet Pornhub (illustration)
Le site internet Pornhub (illustration)
Crédit : Ethan Miller / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Benjamin Hue

Ce pourrait être une première mondiale. Le tribunal judiciaire de Paris doit statuer ce mardi 6 septembre à partir de 9h30 sur la demande de l'Arcom d'ordonner aux fournisseurs d'accès à Internet français le blocage de cinq sites pornographiques parmi les plus populaires du pays, dont le leader mondial Pornhub. L'aboutissement d'une longue procédure initiée il y a déjà deux ans qui pourrait placer la France à la pointe de la lutte contre l'exposition des mineurs à la pornographie en ligne, conformément au souhait formulé par Emmanuel Macron en 2017.

Cette audience est particulièrement attendue par les trois associations de protection de l'enfance, Open, Cofrade et Unaf, qui ont saisi l'Arcom en novembre 2020 pour réclamer une procédure de blocage des sites Pornhub, Xvidéos, Xnxx, Xhamster et TuKif. "Ça fait trop longtemps que ce roman à rallonge dure. On attend désormais la démonstration de la capacité de la justice française à faire appliquer les textes qui sont votés par les députés français", explique Thomas Rohmer, fondateur de l'Open, joint par RTL.

Après une première audience ajournée fin mai, en raison d'une erreur de procédure de l'Arcom, les FAI Orange, Bouygues Télécom, SFR, SFR Fibre, Free, Free Mobile, Orange Caraïbe et Colt Technologies Services ont été assignés à comparaître cet été par l'autorité pour couper l'accès aux sites mis en cause au motif qu'ils ne respectent pas la loi française sur l'exposition des mineurs à la pornographie. 

Les sites estiment qu'il n'existe pas de solution satisfaisante pour vérifier l'âge des internautes

Depuis l'été 2020, la loi impose en effet aux sites pornographiques de mettre en place un contrôle de l’âge de leurs visiteurs pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus pour adultes. Ils ne peuvent plus se contenter d'un simple "disclaimer" sur lequel il suffit de cliquer pour attester de sa majorité et doivent mettre en place un filtrage robuste, dont les modalités n'ont cependant pas été fixées par le texte. À défaut, l'Arcom peut saisir le juge pour solliciter un blocage technique chez les fournisseurs d'accès.

Plusieurs constats d'huissiers ont été réalisés ces derniers mois par l'Arcom pour établir que ces sites diffusent bien du porno et qu'ils sont accessibles aux mineurs. Certains, comme le site Tukif, ont bien entrepris de se conformer à la loi en adoptant le système AgeVerif, qui fait reposer la vérification de l'identité des internautes par un service tiers, comme la carte bancaire, un ticket acheté en bureau de tabac, un selfie ou la pièce d'identité. Un effort jugé insuffisant car le site continue d'être accessible en cliquant simplement sur un bouton "Entrer" en parallèle.

Les autres sites mis en demeure n'ont pas jugé utile de modifier leur page d'accueil pour l'heure. Leurs éditeurs estiment que la demande de l'Arcom n'est pas recevable car aucune solution technique ne serait satisfaisante pour vérifier l'âge des utilisateurs. Invitée à donner des lignes directrices sur ces modalités, l'autorité ne s'est toujours pas prononcée sur le sujet. Seul un avis de la Cnil recommande de recourir à un mécanisme dit de double tiers pour reporter la vérification de l'identité vers un service intermédiaire afin d'éviter une collecte directe de données d'identité par les sites pour adultes. Décidés à jouer la montre, les avocats des sites porno mis ont saisi les juridictions européennes pour déposer une question prioritaire de constitutionnalité. 

"La question est aujourd'hui de savoir si la justice aura la volonté d'avancer ou d'attendre. Le piège dans lequel les sites et leurs avocats cherchent à embarquer la France, c'est de dire : 'Vous nous demandez de trouver un autre système que les disclaimers, mais vous ne dites jamais lequel installer'. Alors que les textes exigent seulement une obligation de résultat. On espère que les magistrats ne seront pas dupes face à ces tentatives de contournement des sites", explique Thomas Rohmer, directeur de l'association Open.

Un blocage surtout symbolique en attendant une offensive européenne

Si la justice accède à la demande des associations, les fournisseurs d'accès seront contraints de mettre en place un blocage technique des sites porno. Pour ce faire, la loi prévoit que les opérateurs télécoms puissent utiliser la technique du blocage par nom de domaine, ou DNS, l'annuaire d'Internet qui transforme les noms de domaine en adresse IP afin de renvoyer les internautes vers les page qu'ils souhaitent visiter. 

L'idée est de rediriger les internautes désireux d'accéder aux sites bloqués vers une page d'information de l'Arcom expliquant les motifs du blocage. Si besoin, l'Arcom pourra également saisir la justice si les sites bloqués sont rendus accessibles à partir de sites miroirs et demeurent accessibles aux mineurs. L'instance pourra aussi demander au juge d'ordonner leur déréférencement par les moteurs de recherche et les annuaires.

De l'avis des spécialistes, cette technique devrait cependant faire face à certaines limites. Le blocage par nom de domaine peut facilement être contourné en utilisant un VPN ou en faisant une manipulation sur son ordinateur pour changer de DNS et accéder au site bloqué via d'autres serveurs. 

Résolument symbolique, la mise au ban de cinq sites parmi les plus populaires n'empêchera pas les internautes d'accéder aux milliers d'autres sites pornographiques existant sur Internet. L'éditeur du site Tukif, visé par la procédure, avait d'ailleurs saisi le CSA fin décembre pour signaler près de 2.000 autres sites porno qui ne sont pas ciblés par l'instance alors qu'ils conditionnent également leur accès à un simple disclaimer. Par ailleurs, le volume du trafic charrié par les sites pornographiques pourrait aussi rapidement mettre sous pression les serveurs de l'Arcom, chargés d'accueillir les visiteurs des sites bloqués vers un message d'information.

"Le rôle des associations n'est pas de faire les gendarmes du web. On a pris les sites qui ont les plus grosses audiences pour générer une jurisprudence de manière symbolique. Une fois qu'ils seront bloqués, tous les autres devront appliquer la loi", rétorque Thomas Rohmer. Le directeur de l'association Open projette d'ailleurs de poursuivre la procédure au niveau européen d'ici la fin de l'année prochaine sur la base des directives DSA et DMA, récemment adoptées. "Ces textes devraient permettre d'aller plus vite avec des procédures simplifiées mais aussi de prendre des décisions à l'échelle de l'Europe ce qui n'aura plus du tout le même impact en terme de chiffre d'affaires pour ces plateformes".

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