Emeutes après la mort de Nahel : pourquoi Snapchat, TikTok et Twitter sont accusés d'alimenter les violences

Ces deux dernières nuits, les violences qui ont éclaté aux quatre coins du pays en réaction à la mort de Nahel, abattu par un policier mercredi 27 juin à Nanterre, pouvaient être suivies quasiment en direct sur les réseaux sociaux. Contrairement aux émeutes de 2005, où Facebook était encore embryonnaire, la généralisation des plateformes permet aux protagonistes de documenter les événements sur différentes applications, où les images sont ensuite relayées par des comptes spécialisés dans le suivi de l'actualité puis par des centaines de milliers d'utilisateurs.

A la faveur de leurs fonctionnalités et de leurs algorithmes respectifs, Snapchat, TikTok et Twitter ont ainsi offert, chacun à leur manière, une caisse de résonance inédite aux débordements observés dans le pays ces dernières heures. Un rôle dénoncé par Emmanuel Macron vendredi. Le chef de l'État a déclaré à l'issue d'une cellule de crise que les réseaux sociaux "jouent un rôle considérable" dans la révolte, via "l'organisation de rassemblements" et "une forme de mimétisme de la violence" qui "conduit à une forme de sortie du réel chez les plus jeunes". 

Une carte interactive des émeutes sur Snapchat

Sur Snapchat, un outil cristallise particulièrement les reproches des autorités, la SnapMap, qui donne à voir en un coup d'œil les lieux qui concentrent le plus de tensions. "C'est toujours vertigineux d'aller faire un tour sur Snap Map, la heatmap de Snapchat, et d'avoir ce sentiment de panoptique géant à disposition, avec des dizaines de vidéos de ce qu'il se passe actuellement en région parisienne", expliquait dès jeudi sur Twitter, Vincent Manilève, journaliste spécialisé dans les réseaux sociaux.

Cette fonctionnalité, lancée en 2017 pour permettre aux utilisateurs de retrouver leurs amis, affiche sur une carte interactive les endroits où sont publiées le plus de vidéos et de photos géolocalisées. Lors d'un événement majeur, comme ces émeutes, elle se mue en "heatmap", une carte de chaleur où les zones les plus prolifiques, comme Nanterre et Châtelet hier, apparaissent en rouge foncé et cumulent plusieurs dizaines de vidéos.

Les images de violences en boucle sur Twitter et TikTok

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Autre application prisée des jeunes, TikTok joue aussi un rôle prépondérant dans la diffusion de ces images. Comme le souligne BFMTV, la plupart des vidéos des violences y sont publiées et mises en avant par les puissants algorithmes de recommandation de la plateforme. Ces derniers suggèrent aux utilisateurs de visionner les images des émeutes à travers des mots-clés, comme "Nael nanterre", "émeutes se propagent après mort de Nahel" ou "Violences urbaines en France". Les séquences les plus populaires cumulent ensuite des centaines de milliers voire des millions de vues en quelques heures seulement.

Toutes ces images tournent également en boucle sur Twitter. Depuis 48 heures, des comptes amateurs spécialisés dans le suivi de l'actualité et cumulant des centaines de milliers d'abonnés récupèrent et repartagent jusqu'au bout de la nuit les séquences glanées ça et là à la façon d'un soir de multiplex de foot. Abonnés à Twitter Blue pour gagner plus de visibilité, ces comptes, dont les représentants les plus éminents se nomment @Cerfia ou @AlerteInfos, privilégient la plupart du temps la réactivité au détriment de la vérification de l'authenticité et de l'origine des images. L'anecdotique et l'essentiel s'y côtoient dans un flot quasiment ininterrompu de vidéos. Jeudi soir, on pouvait ainsi y découvrir un "assaut contre les forces de l'ordre à Montargis", "un salon de coiffure incendié à Saint-Gratien", une "scène complètement surréaliste où un homme se fait coiffer dos à un feu à Nemours" ou encore "des émeutiers fonçant dans le Lidl de Bellevue à Nantes avec une voiture de sport".

"Il y a un vrai game changer dans ces émeutes avec non seulement les réseaux sociaux pour la publication de vidéos et de live qui vont créer de l'émulation et une gamification du bordel, à celui qui fera la plus grosse dinguerie pour percer sur Tiktok et Twitter, mais aussi encore plus par la localisation en temps réel", a souligné sur Twitter, Vincent Flibustier, fondateur du site parodique Nordpresse et consultant en communication numérique.

Macron appelle les plateformes à la responsabilité

Face à ce constat, Emmanuel Macron a exhorté les plateformes à faire preuve de responsabilité. Le chef de l'Etat souhaite voir Snapchat, Twitter et TikTok organiser le retrait des contenus les plus sensibles et faciliter le recueil de l'identité "de celles et ceux qui utilisent les réseaux pour exacerber la violence". À en croire les nouvelles images de violences publiées et diffusées en fin d'après-midi ce vendredi, il n'est pas certain qu'il soit entendu ce soir où se profile une troisième nuit de révolte à travers la France.