La pression sur les sites pornographiques s'intensifie en France. L'interminable feuilleton judiciaire qui met aux prises des associations de protection de l'enfance, désireuses de bloquer l'accès des mineurs aux sites pornographiques, et les principales plateformes hébergeant ces contenus, devrait produire ses premiers effets dans les prochains jours.
En ordonnant le 17 octobre le blocage de quatre sites X parmi les plus visités par les internautes français, la Cour d'appel de Paris a rendu une décision historique, qui pourrait faire précédent en France et en Europe. Sont concernés les sites XHamster, Tukif, Mrsexe et Iciporno. Ces plateformes sont reconnues coupables de ne pas empêcher l'accès des mineurs à la pornographie. L'article 227-24 du Code pénal leur impose en effet de vérifier l'âge de leurs visiteurs alors qu'elles se contentent pour l'instant d'un simple avis déclaratif.
Mise à jour : contrairement à ce qui était écrit par erreur dans la version initiale de cet article, ce n'est pas l'article 227-4 mais bien l'article 227-24 du Code pénal qui prévoit de sanctionner l'exposition des mineurs à la pornographie.
La décision de justice, motivée par le constat selon lequel 2,3 millions de mineurs accèdent chaque mois à des vidéos pornographiques en France, impose aux plateformes un délai de quinze jours pour se conformer à la loi et mettre en place un outil efficace de vérification de l'âge. Dans cette perspective, leurs éditeurs sont invités à se baser sur le référentiel publié le 11 octobre dernier par l'autorité de régulation des télécommunications, l'Arcom, pour encadrer ces pratiques.
Ce cahier des charges recommande aux plateformes de mettre en place un système conforme aux standards de protection de la vie privée en double anonymat. Ce mécanisme doit permettre que le prestataire assurant la vérification de l'âge soit indépendant du site pornographique qui utilise la preuve de majorité, de façon à ce que ni l'une ni l'autre ne puissent pas faire le lien entre l'identité de l'internaute et sa navigation sur le site. Pour donner un peu de latitude aux plateformes, l'Arcom les autorise à utiliser des solutions de génération de preuve dérogatoire utilisant la carte bancaire pendant une période transitoire jusqu'en avril.
Les plateformes qui ne rentrent pas dans le rang d'ici au mois de novembre verront leur accès coupé par les principaux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) sur le territoire français sur demande de l'Arcom. Pour faire appliquer ce genre de décision, les opérateurs bloquent généralement le DNS, le système de noms de domaines. Il s'agit d'un des éléments fondateurs d'Internet, une sorte d'annuaire, qui se charge de traduire les noms de domaine (l'URL des sites internet) en adresses IP, les séries de chiffres qui correspondent aux serveurs qui hébergent les sites sur Internet.
"Pour que les internautes ne puissent pas accéder à ces serveurs, les fournisseurs d'accès à Internet vont faire en sorte que la résolution des noms de domaine, le mécanisme qui permet de relier une URL et une adresse IP, ne fonctionne pas, explique à RTL, Benoît Grunemwald, expert en cybersécurité chez ESET. Quand vous allez taper www.pornhub.com, le fournisseur d'accès à Internet va dire que le site n'est pas disponible. En fonction du site et de ce qu'auront déterminé les autorités en conjonction avec les FAI, les internautes verront probablement s'afficher un message indiquant que le site est bloqué en France pour des raisons légales", poursuit le spécialiste.
Ce type de blocage n'est pas nouveau. Les autorités ont déjà procédé de la sorte pour couper l'accès à des sites terroristes et, plus récemment, à des plateformes de streaming et des services d'IPTV illégaux. Mais cette solution n'est pas parfaitement étanche. Des moyens de contournement comme l'utilisation de VPN ou le recours à un fournisseur d'accès alternatif peuvent être assez facilement mis en œuvre par les internautes pour passer outre le filtrage exécuté par les opérateurs.
Ce long feuilleton judiciaire, initié il y a déjà plus de trois ans, n'a pas encore accouché de ses derniers rebondissements. Les associations avaient initialement demandé le blocage de neuf sites. La justice a ordonné le blocage de XHamster, Tukif, Mrsexe et Iciporno mais a exclu les plateformes les plus populaires, Pornhub, YouPorn, Redtube, Xnxx et Xvideos pour un problème de procédure. Ces plateformes domiciliées à Chypre et en République-Tchèque ont formulé un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne pour dénoncer le blocage demandé par la France en invoquant le principe de libre circulation des services au sein de l'Union européenne. Le tribunal français a décidé de s'en remettre à l'arrêt de la justice européenne attendu l'année prochaine.
Ce traitement différencié est contesté par l'une des plateformes bloquées par la justice française. L'éditeur du site Tukif a fait savoir à RTL qu'il allait contester la procédure en faisant une tierce opposition au jugement. L'éditeur demande un traitement équitable avec les autres plateformes qui disposent de plusieurs mois pour se mettre aux normes quand la justice ne lui laisse que quelques jours. Il souhaite que le dispositif soit appliqué aux principaux sites de façon simultanée.
"Nous souhaitons bénéficier des quatre mois prévus par les textes pour intégrer la solution Age Verif", explique son éditeur à RTL. "Il est impératif que nous soyons traités de façon égale avec les autres sites, qui eux, disposent de ce délai", poursuit-il, sans quoi "si nous devons être les seuls à mettre en place une telle vérification dans l'agenda imposé par la Cour d'appel de Paris, cela ne changera rien au problème de l'âge, mais cela tuera notre site".
La loi SREN visant à sécuriser et réguler Internet a confié à l'Arcom des pouvoirs de sanction et de blocage administratif des sites pornographiques qui ne respectent pas leur obligation pénale d'empêcher l'accès des mineurs à la pornographie. L'autorité pourra adresser des mises en demeure aux contrevenants à partir de janvier 2025.
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