"Impossible de trouver un créneau !" Pour les patients qui veulent se faire vacciner contre la variole du singe en France, c'est un nouveau parcours du combattant qui débute. Un défi désormais familier pour tous les Français puisque la campagne de vaccination massive contre le Covid est encore dans tous les esprits. Cependant, pour prévenir la variole du singe, les moyens sont nettement inférieurs... et les délais s'allongent.
Très peu de centres en France vaccinent effectivement contre cette nouvelle épidémie et la cible vaccinale est, elle-aussi, bien plus réduite que pour le Covid. La Haute autorité de santé recommande de vacciner de manière préventive les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les personnes trans multipartenaires, les professionnels exerçant dans des lieux de consommation sexuelle et les personnes se trouvant en situation de prostitution. Une population d'environ 250.000 personnes en France estiment les spécialistes. La plupart devront recevoir deux injections espacées de 28 jours environ. Les personnes qui auraient déjà été vaccinées contre la variole dans leur enfance ne doivent recevoir qu'une seule dose. Les personnes immunodéprimées, 3 doses.
Mais les chiffres montrent que nous sommes très loin d'avoir atteint un rythme de croisière suffisant pour faire face à l'épidémie et à l'impatience des personnes concernées. Début août, moins de 20.000 personnes avaient reçu une première dose. Manque de dose, manque de bras, inertie des organisations, problème de conservation et d'approvisionnement... Les explications sont nombreuses et peu transparentes pour expliquer clairement cette lenteur.
Puis les vaccins ne sont pas accessibles chez son médecin traitant ou dans les phramacies de quartier (du moins pour l'instant), les Français ont pris l'habitude de se tourner vers les plateformes en ligne pour caler leurs rendez-vous vaccinaux. Beaucoup ont découvert Doctolib, Maiia, KelDoc... par exemple pendant la crise Covid. Mais les personnes qui veulent se faire vacciner l'ont bien remarquer : elles ne sont pas d'une grande aide en ce moment. Malgré des recherches régulières, les créneaux proposés sont inexistants ou très loin dans le calendrier.
"Doctolib n'est pas la solution à tout", a indiqué le ministre de la Santé ce 10 août sur RTL. "De nombreux centres de vaccination ne l'utilisent pas, car ils font aussi du dépistage anonyme d'autres maladies", notamment du VIH, explique-t-il, évoquant alors un souci de confidentialité. Alors que des voix s'élèvent pour dénoncer la difficulté de trouver un créneau pour recevoir une dose, pas avant fin octobre en Île-de-France par exemple, François Braun a appelé le public à utiliser d'autres outils dont sante.fr.
La plateforme publique propose un annuaire dans lequel vous pouvez trouver les centres près de chez vous. Contrairement à Doctolib, qui vous permet de prendre un rendez-vous directement et de multiplier les recherches, ce système, plus traditionnel, ne vous donnera qu'une adresse et un numéro de téléphone.
En effet, il faudra souvent que le futur vacciné appelle, rappelle et rappelle encore de nombreux centres souvent surchargés par les demandes, les réservations, les annulations et les questions de la population. Une quête, à l'ancienne, où au lieu d'avoir un fichier central numérique, les patients doivent envoyer des mails et contacter des secrétaires dans l'espoir d'avoir des rendez-vous.
Dans cette France de 2022 post-Covid, les volontaires (et tout particulièrement les plus jeunes) tombent souvent de l'armoire lorsqu'ils découvrent qu'il n'y a pas une application comme "Vite Ma Dose" pour gérer les listes d'attente avec des alertes. Et, en l'absence de créneaux sur Doctolib, un service apprécié pour sa clarté et son ergonomie, il y a fort à parier que certaines personnes de la population cible se résignent à entamer ce parcours du combattant, surtout en période estivale. Devant cette absence de système efficace, c'est le bouche-à-oreille sur les réseaux sociaux, les associations et les acteurs de la vie communautaire LGBTQ+ qui prennent le relais.
La liste des lieux pour se faire vacciner grandit aussi jour après jour. Si d'immenses vaccinodromes (comme le Stade de France) ne sont pour l'instant pas à l'ordre du jour, les pharmacies vont peut-être densifier l'offre vaccinale sur tout le territoire. Une pharmacie lilloise a commencé ce 10 août à administrer le vaccin contre la variole du singe, comme quatre autres officines en France. Dans le cadre d'une expérimentation de deux semaines, cinq officines, en Ile-de-France, en PACA et dans les Hauts-de-France, peuvent effectuer ces injections.
Facilement accessible, proche des gares, la pharmacie lilloise retenue "a également été choisie parce qu'on suit déjà des patients sous traitement VIH ou traitement préventif PrEP, ce qui correspond un peu à la cible de cette campagne de vaccination", explique le pharmacien Fabien Florack.
Patrick, 45 ans, fait partie des tout premiers vaccinés sur place, qui se sont succédé toutes les 10 minutes. Samedi, il avait renoncé devant la longueur de l'attente dans un centre de vaccination, avant de parvenir à prendre rendez-vous sur Doctolib pour cette vaccination en pharmacie."Les contaminations vont super vite, même si on n'a pas de comportement trop à risque", constate cet homme homosexuel. Bien que cette maladie ne suscite "pas une énorme angoisse" parmi les homosexuels, "tout le monde a décidé d'aller se faire vacciner d'un seul coup", explique-t-il. Trois de ses amis sont actuellement contaminés et un autre a été hospitalisé pendant 10 jours.
La pharmacie a ouvert 130 créneaux pour cette semaine, qui ont tous trouvé preneurs rapidement, et s'apprête à en ouvrir 200 pour la semaine prochaine. "Aujourd'hui on ne manque pas de doses mais l'idée est de faire coller le nombre de doses approvisionnées avec celles administrées", insiste Fabien Florack. Le vaccin se conserve à -80°C et seulement 14 jours après décongélation.
Dans la file d'attente, plusieurs personnes résidant en Belgique, comme Nicolas, Français de 44 ans, homosexuel, qui déplore des "conditions de vaccination beaucoup plus restrictives" de l'autre côté de la frontière. "Au-delà de ma vie privée, je suis enseignant et à la rentrée, tous les jours je vais être en contact avec des jeunes, je n'ai pas envie de leur refiler (la maladie)" explique-t-il. Venu sans rendez-vous, il a été orienté vers un centre de vaccination.