Zemmour, Bannon et macronistes... Qu'est-ce que "la fenêtre d'Overton" ?

"C'est un livre de confession dans lequel j'ai voulu emmener les Français avec nous dans les coulisses de la vie politique, leur parler également de mon parcours". En visite au Mondial de l'Auto, Jordan Bardella est revenu sur la sortie prochaine de son premier livre : Ce que je cherche. Disponible le 9 novembre, cet ouvrage est publié aux éditions Fayard, une filiale de Hachette Livre qui appartient au groupe Vivendi, propriété du milliardaire Vincent Bolloré. 

Avant même sa sortie, le livre de Jordan Bardella fait déjà polémique. Dans une tribune publiée dans Le Nouvel Obs, des salariés et anciens salariés de l'éditeur dénoncent la publication de cet ouvrage. "Publier un dirigeant politique d'extrême droite (...) n'est pas autre chose qu'un élargissement de la fenêtre d'Overton. C'est pourquoi nous ne pouvons nous taire". 

Qu'est-ce que "la fenêtre d'Overton" ? Pourquoi un lien est-il fait avec l'extrême droite ? 

C'est l'ensemble des opinions qui sont considérées comme dicibles, acceptables au sein de l'opinion publique.

Clément Viktorovitch, docteur en sciences politiques et à l'affiche du spectacle L'Art de ne pas dire

"La fenêtre d'Overton est un concept qui a été imaginé par un spécialiste de politique publique qui travaille dans le milieu de l'influence du lobbying aux États-Unis. qui s'appelle Joseph Overton", explique Clément Viktorovitch, docteur en sciences politiques et à l'affiche du spectacle L'Art de ne pas dire. 

Au micro de RTL, il ajoute : "Ce que désigne la fenêtre d'Overton, c'est l'ensemble des opinions qui sont considérées comme dicibles, acceptables au sein de l'opinion publique. L'ensemble de ce que l'on peut dire en tant qu'acteur du débat public sans être immédiatement frappé d'opprobre, sans être immédiatement renvoyé au banc du débat public. Et donc, toute l'idée de cette fenêtre, c'est qu'elle est dynamique, elle s'élargit, elle se contracte, elle se déplace". 

Mais quel est le rapport avec la scène politique ? "Elle pourrait faire l'objet d'un travail dans l'opinion publique, c'est-à-dire qu'il pourrait y avoir des acteurs du débat public qui, volontairement, viendraient tenir des propos qui, a priori, à un instant T, vont être considérés comme choquants, extrêmes, indicibles et puis, à force d'être répétés, vont élargir cette fenêtre", explique Clément Viktorovitch.

Comment élargir cette fenêtre ? Le cas Zemmour

En 2021, Éric Zemmour qui est candidat à l'élection présidentielle, a tenté d'élargir la fenêtre d'Overton, en évoquant "le grand remplacement". Cette théorie est une idée complotiste et xénophobe, popularisée par l'écrivain d'extrême droite Renaud Camus. "Éric Zemmour est l'un des premiers à employer ce concept dans les médias grand public (...) La première fois ça choque, ça fait l'objet de commentaires, ça lui attire effectivement un certain nombre de personnes. Il n'empêche, Éric Zemmour survivra à ces critiques", note Clément Viktorovitch. 

Ce docteur en sciences politique illustre ensuite cet élargissement : "Il continuera d'employer le terme. Il sera rejoint peu à peu par d'autres polémistes, puis progressivement par des acteurs du champ politique, mais qui sont à la marge de la marge. Puis, au sein du Rassemblement national, le concept commence à devenir monnaie courante. Et puis, c'est jusqu'aux frontières des Républicains. Éric Ciotti, par exemple, qui s'en fait le relais. Ensuite, les journalistes commencent à poser la question aux autres membres des Républicains, puis à tous les candidats à la primaire des Républicains qui reprennent le concept". Pour ensuite être repris par Valérie Pécresse, candidate Les Républicains à l'élection présidentielle, lors d'un meeting. Voilà comment un concept complotiste dénoncé par absolument tous les historiens comme fantasmatique, finit dans la bouche d'une des principales candidates à l'élection présidentielle, validée d'ailleurs auparavant. par une grande partie de la classe médiatique".

Une technique aussi utilisée en macronie

Est-ce une spécialité de l'extrême droite ? "L'extrême droite française s'est illustrée ces dernières années par un travail de l'opinion. Un travail profond de l'opinion qui est passé d'abord par des francs-tireurs. On pourrait en énumérer un certain nombre. Et en fait, tout cela a été théorisé par elles et par eux. C'est ce qu'ils appellent 'mener le combat culturel'", indique Clément Viktorovitch. 

Est-ce seulement utilisé par l'extrême droite ? "On les retrouve aussi dans la bouche de l'ancienne majorité présidentielle. En sept ans de macronisme, une quantité faramineuse de contre-vérités, de mensonges, d'anticatastases, de contradictions brutales et flagrantes du vrai ont été énoncés par les membres du gouvernement", estime Clément Viktorovitch qui cite notamment en exemple les propos d'Emmanuel Macron, en 2019, sur le chlordécone. 

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