La réforme des retraites peut-elle être censurée par le Conseil constitutionnel ? La question restera en suspens jusqu'au 14 avril prochain, date à laquelle les neuf Sages de l'institution rendront leur verdict. Le gouvernement compte sur une décision de validation pour apporter davantage de légitimité à son projet, quand les oppositions espèrent que le texte sera retoqué. Mercredi 29 mars, au micro de RTL, le constitutionnaliste Dominique Rousseau est très clair : les membres du Conseil constitutionnel "ont juridiquement de quoi censurer la loi".
En effet, depuis 2005, les Sages imposent un principe de "clarté et de sincérité" des débats. Un point qui "a pour objectif de rendre la loi acceptable socialement", détaille l'expert sur RTL. Or, selon lui, "les comptes rendus" réalisés sur les débats parlementaires autour de la réforme des retraites" ont "relevé que le débat a été peu clair". Il juge que les membres du Conseil constitutionnel disposent de deux armes principales pour retoquer le projet du gouvernement : "détournement de procédure" et "violation manifeste et répétée du principe de sincérité des débats". En effet, si les Sages ne sont pas hermétiques à la politique, ils doivent prendre une décision "motivée en droit", rappelle Dominique Rousseau.
47.1, 49.3, vote bloqué... Pendant plusieurs semaines, le gouvernement a multiplié les recours aux articles de la Constitution ou à ceux du règlement du Sénat pour accélérer les débats. Ils sont tous légaux, bien sûr, appuie le constitutionnaliste. "Utilisés individuellement, ça va", tempère-t-il. Et de préciser : "Si vous accumulez tous les outils de restriction du débat parlementaire, vous portez atteinte à la qualité du débat".
Le projet de réforme des retraites du gouvernement a été intégré au sein d'un texte législatif loin d'être anodin : un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale. Or, ce "véhicule" permet - selon les interprétations du gouvernement - d'avoir recours à l'article 47.1 de la Constitution. C'est ce dernier qui a permis de réduire le temps des débats à l'Assemblée à 20 jours, et à 15 jours au Sénat. Un recours à la légalité remis en cause par Dominique Rousseau. "Il n'y [avait] aucune raison de contraindre le délai", estime-t-il. Selon lui, l'article 47.1 ne peut s'appliquer aux projets "rectificatifs" du budget de la Sécurité sociale. Et Dominique Rousseau de citer le précédent projet sur les retraites : "Édouard Philippe, en 2019, l'avait fait par une loi ordinaire".
Pour autant, selon Dominique Rousseau, "ce n'est pas simplement la faute du gouvernement", si les débats n'ont pas été totalement sincères. "L'opposition a aussi déposé des amendements répétitifs et un peu bizarres. Ils ont aussi obstrué le débat. Mais, la responsabilité en revient principalement, me semble-t-il, au gouvernement", détaille-t-il.
En sursis, la réforme des retraites connaîtra son sort le 14 avril prochain, "en fin de journée", a indiqué le Conseil constitutionnel. D'ici là, des députés seront auditionnés par les Sages pour juger de la conformité, ou non, du texte avec la Consitution.