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Bruno Retailleau, invité de RTL le 4 juin 2025
Crédit : RTL
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Bruno Retailleau entend ouvrir un front technologique dans la lutte contre les violences urbaines. Interrogé sur les débordements qui ont émaillé le sacre européen du PSG ce week-end, le ministre de l'Intérieur a plaidé ce mercredi 4 juin sur RTL pour une utilisation "très encadrée" de la reconnaissance faciale dans le cadre des enquêtes judiciaires. L’objectif : doter la justice de nouveaux outils technologiques pour identifier plus efficacement les auteurs d’infractions commises dans l’espace public. Une position qui fait écho à celle du ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui, quelques jours plus tôt, affirmait sur RTL que la reconnaissance faciale serait une réalité en France d’ici cinq à dix ans, en dépit d'une opinion publique encore majoritairement réticente.
La reconnaissance faciale est une technique biométrique qui permet d'analyser, grâce à des algorithmes, les traits du visage de personnes filmées ou photographiées et de les comparer à des images stockées dans des bases de données. Cette technologie peut servir à authentifier une personne, pour vérifier qu'elle est bien celle qu'elle prétend être, ou à l'identifier, en déterminant son identité au milieu d'autres personnes. Le ministre de l'Intérieur souhaiterait pouvoir l'utiliser dans ce cadre, comme ce week-end, pour identifier et marquer des délinquants au milieu d'une foule. Mais cet usage est interdit en France à ce stade.
Aujourd'hui, l'utilisation de la reconnaissance faciale pour authentifier, identifier ou suivre un individu en temps réel dans l'espace public est strictement interdit par le Règlement européen sur la protection des données personnelles. Seules quelques applications sont autorisées : l'authentification pour déverrouiller un smartphone, l'authentification aux portiques des gares et des aéroports ou la comparaison a posteriori de visages par la police à partir du fichier des antécédents judiciaires (TAJ). Malgré ce cadre juridique restrictif, plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu dans le pays par la police, en toute illégalité, comme l'a rappelé la CNIL en 2024.
La reconnaissance faciale existe déjà en Chine, où elle est largement utilisée pour assurer le contrôle de la population, en Russie et en Inde. Elle se généralise aussi au Royaume-Uni, où la capitale abrite la plus forte densité de caméras de surveillance au monde après la Chine, et aux Etats-Unis, où la police et les agences fédérales l'utilisent activement dans le cadre d'enquêtes criminelles, d'immigration et de sécurité intérieure, malgré l'opposition croissante de certains Etats, comme la Californie qui l'a bannie en 2019.
Cette technologie suscite de vives critiques, en particulier pour son bilan opérationnel mitigé, en raison de biais algorithmiques qui entraînent des erreurs plus fréquentes pour les personnes racisées, d'un manque de transparence sur son fonctionnement et ses usages et ses atteintes potentielles aux droits civiques et à la liberté d'expression.
En France, l'expérimentation pendant les Jeux olympiques de la vidéosurveillance algorithmique, qui consistait uniquement à identifier des silhouettes et des comportements suspects et non des visages, s'est avérée peu efficace, avec 62 erreurs recensées sur les 270 alertes envoyées par le logiciel, pour seulement une vingtaine de signaux pertinents. Mais selon les experts, la reconnaissance faciale se perfectionne à vitesse grand V. La technologie n’en est désormais plus à ses balbutiements.
Si le droit français empêche pour l'instant tout déploiement massif, l'exécutif semble déterminé à faire bouger les lignes. Le ministre de la justice Gérald Darmanin a annoncé récemment la création d’un groupe de travail pour "créer un cadre légal" permettant d'"introduire cette mesure dans notre législation". Cette initiative s’inscrit dans une stratégie progressive initiée ces dernières années et marquée par une série de rapports appelant à tester la reconnaissance faciale, à l’autoriser pour les enquêtes liées au terrorisme ou aux alertes enlèvement, et aujourd’hui à en permettre une légalisation au nom de la sécurité nationale. Le nouveau règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) introduit même des dérogations encadrées dans ce domaine, une disposition que la France a activement défendue.
Pour certains experts, la bascule pourrait être rapide. "L'infrastructure technique permettant un usage en temps réel est d'ores et déjà en place", rappelle dans le média en ligne AOC le chercheur Félix Tréguer, membre du CNRS et de l'association La Quadrature du Net. Les algorithmes des logiciels spécialisés pourront s'appuyer sur les 90.000 caméras de vidéosurveillance placées sur la voie publique à travers le pays, mais aussi sur des bases de données biométriques adossées aux données d'état civil via le fichier TAJ et les fichiers liés à l'immigration. Cette montée en puissance soulève de sérieuses inquiétudes. De nombreux défenseurs des libertés publiques alertent sur les atteintes potentielles à la vie privée et sur la possibilité de circuler anonymement, un droit pourtant fondamental.
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