Mois sans alcool : Emmanuel Macron a-t-il cédé face au lobby du vin ?
ÉDITO - Les associations de lutte contre les addictions organiseront seules le mois sans alcool en janvier, le gouvernement ayant décidé de ne pas promouvoir l'opération.

Le gouvernement a finalement décidé de ne pas soutenir l'opération "Dry January", le mois sans alcool, qui consiste comme son nom l'indique à ne pas consommer d'alcool pendant un mois. Pourquoi ce revirement de situation ? La réponse se trouve peut-être tout simplement dans les habitudes, goûts et préférences du président de la République.
Cette histoire pourrait se résumer avec une photo publiée dans les pages économie de L'Union de Reims : Emmanuel Macron tout sourire tient dans ses mains une bouteille, un magnum d'un champagne millésimé de 1977, son année de naissance. C'est un cadeau. Un cadeau des représentants de la filière viticole avec qui il vient de déjeuner dans un restaurant à Épernay. Le lendemain, les viticulteurs font savoir que le président leur a dit qu'il était contre le mois sans alcool. Ils ont gagné.
Les viticulteurs et leur lobbying auraient obtenu gain de cause ? L'Élysée assure que ce n'est pas ce qu'a dit le président. La ministre de la Santé explique que de toute façon aucune décision n'était prise, que le ministère s'interroge encore pour savoir si c'est vraiment pertinent ce mois sans alcool.
Une opération de prévention, pas une punition
Mais quelles que soient les versions et les contorsions, en janvier le gouvernement ne relaiera pas le message qu'en janvier ce serait bien de se passer d'alcool. Les associations de lutte contre l'alcoolisme vont tenter de le faire elles-mêmes avec moins de moyens. Une campagne de prévention, ça coûte cher…
Essayer de se passer d'alcool pendant un mois ce n'est pas une injonction mais une proposition. Il s'agit d'un acte volontaire, sans contrainte, pour que chacun se rende compte de ce qu'il boit, voir si c'est difficile de se passer d'alcool pendant un jour, deux jours, une semaine. Il n'y a pas d'obligation. Ça s'appelle juste de la prévention. Ce n'est même pas une invention française puisque ça se fait déjà dans 14 pays et ça fonctionne.
Mais alors pourquoi ce Dry January pose problème ? Les associations de lutte contre les addictions ont peut-être la réponse. 80% de l'alcool vendu en France est bu par des gros consommateurs, et 20% par des buveurs occasionnels ou raisonnables. C'est la surconsommation qui amène à des problèmes de santé, des accidents, de la violence aussi. Ce n'est pas la consommation plaisir, d'un bon verre de vin, que personne ne veut supprimer, qui est visée. La viticulture a donc peur de perdre ses clients captifs par leurs addictions.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a un discours de médecin sur l'alcool, essaie de faire ce qu'elle peut sur le sujet. Ça fait des mois qu'elle discute de la taille du logo zéro alcool pour la grossesse sur les bouteilles. Elle veut aussi promouvoir plus souvent les repères d'alcool, deux verres par jour et pas tous les jours. Et puis elle voudrait aussi des mesures dans la lutte contre les violences faites aux femmes, où l'alcool est omniprésent. Mais si une ministre peut lutter contre un lobby, elle ne peut pas lutter contre son président. Cela nous ramène à la photo d'Emmanuel Macron dans L'Union : le vin est le domaine réservé du président.
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