Il y a 40 ans, le 15 octobre 1983, la marche pour l’égalité et contre le racisme débutait. De Marseille vers Paris, cette manifestation non-violente est aussi appelée "la marche des beurs". Au départ, ils ne sont que quelques jeunes à s’engager, pour dénoncer les crimes racistes et réclamer l'égalité. Ils marchent dans l’indifférence totale, mais seront 100.000 personnes, à leur arrivée place de la Concorde à Paris.
Ils seront aussi reçus par François Mitterrand et leur action débouchera sur la carte de séjour de dix ans. Quarante ans plus tard, que reste-t-il de cette marche ? Où en est leur combat ? Karim Yahiaoui, grand reporter à France 24, est parti à la rencontre des marcheurs à l'origine de cette mobilisation. Le documentaire On demande pas la lune, on demande de vivre sera diffusé le 14 octobre sur France 24 à 22h10.
"Ce qui m'a le plus marqué en faisant ce documentaire, c'est le fait qu'il y a clairement un avant et un après la marche, explique le journaliste. C'est paradoxal : le quotidien dans les quartiers populaires n'a pas forcément changé, mais il y a une prise de conscience assez importante".
Ce mouvement a clairement marqué une rupture dans la façon dont on percevait les immigrés
Karim Yahiaoui, grand reporter à France 24 et réalisateur du documentaire "On demande pas la lune, on demande de vivre"
À l'époque, les autorités françaises imaginaient que ces populations n'allaient pas rester en France. "Il y a même eu des incitations, à travers des lois, pour favoriser leur retour. Ce mouvement a clairement marqué une rupture dans la façon dont on percevait les immigrés. Avant cette marche pour l'égalité et contre le racisme, ils étaient considérés comme une force de travail. Après cette mobilisation, il y a eu l'émergence dans l'espace public d'une nouvelle génération", explique Karim Yahiaoui.
Lors de son lancement, cette marche a eu très peu d'écho dans les médias. Le 14 novembre 1983, la mort d'Habib Grimzi a été un moment d'effroi pour ces marcheurs. Karim Yahiaoui a évoqué ce crime raciste avec les marcheurs historiques.
"Ils le racontent tous à peu près avec les mêmes mots : 'le choc', 'la sidération'... Ils évoquent aussi l'envie d'abandonner aussi parce que la marche était construite sur une logique de non-violence. Finalement, cette non-violence est bafouée par ce crime raciste. Et d'ailleurs, certains marcheurs rappellent dans le documentaire qu'ils n'étaient pas forcément convaincus par l'action non-violente de la marche pour l'égalité et contre le racisme".
Au moment où ce mouvement émerge, le Front national connaît une victoire électorale. Au deuxième tour des élections municipales de Dreux, le RPR fusionne sa liste avec celle du FN et remporte le scrutin. Un an plus tard, le parti présidé par Jean-Marie Le Pen obtient 11% aux élections européennes.
Dans le documentaire On demande pas la lune, on demande de vivre, le sociologue Adil Jazouli déclare que "plus l'intégration avance, plus la résistance à l'intégration avance". "Il souligne que l'intégration, c'est un peu comme un tamis. C'est-à-dire qu'à travers ce tamis, les plus motivés pour s'intégrer vont réussir à passer entre les mailles du filet. Le problème est qu'ils vont laisser derrière eux, dans ces quartiers populaires, des gens dans des situations de plus en plus difficiles", explique Karim Yahiaoui.
François Mitterrand, en voyant tous ces marcheurs, pense sans doute déjà à sa réélection en 1988 et se demande comment capitaliser et comment attirer une partie de la jeunesse
Karim Yahiaoui, grand reporter à France 24 et réalisateur du documentaire "On demande pas la lune, on demande de vivre"
L'action de ces marcheurs ne s'est jamais transformée politiquement. "Beaucoup se sont sentis dépossédés de cette marche et de ses bénéfices", analyse le réalisateur. C'est pourquoi aucun n'a adhéré à l'association SOS racisme crée dans la foulée de la marche, en 1984.
"François Mitterrand, en voyant tous ces marcheurs, pense sans doute déjà à sa réélection en 1988 et se demande comment capitaliser et comment attirer une partie de la jeunesse. L'antiracisme va être un moyen particulièrement puissant pour séduire les jeunes. SOS Racisme a fait des bonnes choses, mais à la base, c'est tout-de-même un calcul politique de la part de l'Élysée".
Depuis cette marche, la France a vu vécu la présidentielle de 2002 avec l'arrivée au second tour de Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national, atteindra aussi cette étape en 2017 et en 2022. Le parti présidé aujourd'hui par Jordan Bardella a 88 députés et 3 sénateurs. En 2023, l'affaire Nahel a embrasé les banlieues.
"Ceux qui ont marché pour les banlieues le vivent de façon assez amère et pessimiste. L'un d'entre eux a la particularité d'avoir marché et d'avoir travaillé dans le quartier de Pablo Picasso d'où était originaire le jeune Nahel. Lorsqu'il leur racontait l'histoire de la marche, les jeunes lui répondaient : 'Vous avez essayé la non-violence et ça n'a pas du tout marché. Nous, on va en découdre parce que c'est le seul moyen'. D'ailleurs, que s'est-il passé après les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel ? On n'a rien vu de tout ça et c'est ça qui est assez inquiétant", conclut Karim Yahiaoui.
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