"Les gens sont des zombies" : à l'Assemblée, des députés "fatigués" et "épuisés" arrivent au bout de l'examen du budget

Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le soleil ne semble jamais vraiment se coucher. Le plafonnier diffuse une lumière en continu. "Vous pouvez voter jusqu'à 3 heures du matin, vous avez l'impression qu'il est 3 heures de l'après-midi", racontait en 2024 le député insoumis Maxime Laisney sur sa chaîne Youtube.

Cette anecdote illustre le rythme effréné qui règne au Palais-Bourbon et qui se traduit, depuis quelques semaines, par une grosse fatigue de certains élus. Depuis le 24 octobre dernier, les députés ont examiné le projet de budget 2026, présenté par le gouvernement. Et avec, ses milliers d'amendements, ses débats houleux, ses séances nocturnes... et parfois ses erreurs de vote. 

Ces cinquante jours d'examen ont ainsi soulevé la question du rythme de travail des députés - et des conséquences sur les débats. "Il y a une présence accrue des députés dans l’Hémicycle et un nombre d’heures de débats qui a explosé au regard des années précédentes", constatait la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet. "Ce budget doit être le dernier discuté de cette façon-là", expliquait-elle dans Le Monde ce jeudi.

"Tout le monde est fatigué"

"On commence à mon avis à travailler dans de mauvaises conditions", alertait le député Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy. "On va épuiser nos équipes, nos collaborateurs ont une vie, une famille. J'ai eu un peu le courage de briser la glace, incroyable, tout le monde est d'accord", ajoutait-il sur BFMTV le 14 novembre dernier. 

"Ça devient flippant, les gens sont des zombies", décrit un député du groupe RN. Il dit constater "une fatigue psychologique" chez les plus jeunes et une fatigue physique chez les plus âgés. "On sent qu’ils sont totalement à l’ouest. Parfois, ils dorment debout", assure-t-il. Cet épuisement s'est parfois traduit par des erreurs de vote. "Sur des heures et des heures de débats, il y a un moment où tu te déconcentres", pointe un député RN.

On y passe nos jours et nos nuits. On se fait engueuler en permanence.

Un député

Un autre élu centriste évoque, lui aussi, une "forme de lassitude". "C'est une vie objectivement déraisonnable, en termes de rythme et de pression", confie un élu LR "épuisé". 

"Tout le monde est fatigué", reconnaît un député socialiste. "La période est intense et éreintante." Un autre député situé à quelques places dans l'hémicycle abonde. "On y passe nos jours et nos nuits (à l'Assemblée, ndlr). On se fait engueuler en permanence", soupire-t-il, tout en relativisant : "On n'est pas à la mine quand même."

Le ministre des Relations avec le Parlement avait tout de même annoncé que les députés ne siègeront pas les weekends des 15 et 16 septembre, évoquant la "fatigue des députés". Une partie de la gauche s'est insurgée, accusant l'exécutif de vouloir raccourcir le débat.

Vitamines, gingembre...

Mais comment tenir dans un contexte politique où la menace d'une censure déclenche une menace de dissolution ? Chaque élu y va de sa méthode : cure de vitamines, concoction maison à base de gingembre et de citron ou encore nuit sur place.

Un député du socle commun a choisi de "s'installer à la résidence de l'Assemblée", pour "gagner une heure de sommeil". "En quinze jours, j'ai dormi deux nuits chez moi", explique-t-il. Un élu centriste mise plutôt sur les micro-siestes. "Un quart d'heure pendant la journée, ça aide", conseille-t-il. 

Autre méthode : rester actif. Un député insoumis assure encaisser. "On ne va pas se mentir", "quand vous faites des journées de 9h à minuit, même le samedi et le dimanche, ça pèse un peu", reconnaît-il. Sa technique pour tenir ? "Je me mets dans le débat. Je fais et puis voilà." "On n'est pas les plus à plaindre", nuance-t-il. 

Bientôt la fin des séances de nuit?

Au-delà de la fatigue physique, certains députés s'inquiètent des répercussions sur la qualité des débats. Plusieurs options émergent afin de réformer le mode de fonctionnement à l'Assemblée nationale, comme la fin des séances de nuit. 

La présidente du Palais Bourbon, Yaël Braun-Pivet, souhaite faire une expérimentation qui pourrait débuter à partir de janvier prochain et qui ne concernerait pas les textes budgétaires. "Une très, très bonne idée" pour un élu centriste. "Nous sommes le dernier Parlement en Europe à avoir des séances de nuit", souligne-t-il.

Ce budget doit être le dernier discuté de cette façon-là

Yaël Braun-Pivet dans "Le Monde"

Dans un entretien au Monde, Yaël Braun-Pivet a indiqué vouloir mettre en place "de nouvelles règles" pour l'examen des textes budgétaires, afin de faciliter l'élaboration de "compromis". "Certaines évolutions relèvent du règlement de l'Assemblée nationale et réclament un accord global des différents groupes politiques que je suis en train de rechercher", a-t-elle souligné.

Un député RN, cité plus haut, émet quant à lui l'idée de s'inspirer du fonctionnement du Sénat où une délégation se présente pour voter au nom d'un groupe. Le député souhaitant aller contre la ligne de son groupe peut venir en hémicycle et voter malgré tout. "Les Français votent pour une personne, non pas pour un groupe", répond un autre parlementaire, qui n'adhère pas à cette idée.

Si plusieurs députés reconnaissent la nécessité de revoir les procédures, d'autres politiques en dehors de l'Assemblée observent la situation avec plus de fermeté. "Il faut changer de métier", tranche l'un d'entre eux. "S'ils se mettent à être fatigué à un an de la présidentielle... Ce n'est pas le moment d'être fatigué."

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