C'est le match dans le match : après la répartition des sièges à l'Assemblée nationale, il va falloir désigner les membres des 8 commissions permanentes de l'Assemblée. La commission des Finances n'est pas comme les autres. Le député qui la préside est un membre de l'opposition. Pendant le quinquennat précédent, c'est Éric Woerth, au nom des Républicains, qui avait présidé cette commission. Depuis, Éric Woerth a rejoint les rangs macronistes et a été réélu dans l'Oise.
Cette commission provoque des maux de tête à la macronie (jusqu'à l'Élysée) depuis quelques jours. Elle est même un contre-pouvoir. La commission des Finances supervise les comptes de l'État, a accès à des informations confidentielles puisqu'elle peut lever le
secret fiscal d'une entreprise ou d'un citoyen. Elle est informée en amont des
choix du gouvernement lorsqu'il met sur pied son budget annuel. Elle peut
auditionner le ministre de l'Économie, contester la sincérité des comptes...
En somme, elle peut mettre de sérieux bâtons dans les roues du gouvernement. Généralement, le président de cette commission des Finances est toujours traité avec beaucoup d'égard par le gouvernement et avec beaucoup de respect par tous les autres députés car c'est un poste très technique et tout le monde n'est pas un as des finances publiques.
Ce serait un vrai problème si la présidence de la commission revenait à la Nupes. Tout un calcul de probabilité est en train d'être fait à l'Élysée et à Matignon. La NUPES, ce sont 4 entités : LFI, PS, PC et Europe Écologie les Verts. L'exécutif ne veut pas que ça parte entre les mains de La France Insoumise. Mais avec un socialiste, pourquoi pas ? Même si les socialistes ont très peu apprécié que Bruno Le Maire et Gérald Darmanin en 2018 laissent entendre que les comptes présentés à la fin du quinquennat Hollande n'était pas sincères. L'insincérité, c'est l'insulte suprême chez les spécialistes du Budget.
Alors, l'alternative LR ou UDI pourrait séduire l'exécutif. Cela risque d'ailleurs d'être souvent plus simple pour la macronie d'aller chercher à droite pour mener sa politique dans les prochains mois. Mais attention, les Républicains vont vendre chèrement leurs votes. Surtout au niveau économique.
Mais ce ne serait pas très élégant de désigner un président issu d'un parti qui n'est pas la principale opposition car cela irait contre les pratiques habituelles. Mais cela pourrait se faire si les députés du camp Macron prenaient part au vote du président de la commission pour désigner leur candidat d'opposition. Cela ne se fait pas en temps normal et le pauvre président ainsi désigné perdrait aussitôt toute forme de légitimité.
Avoir un farouche opposant comme président de la commission des Finances compliquerait les choses. Surtout en début de quinquennat, après des législatives qui ne dégagent pas de vraie majorité. Tous les dossiers à traiter en urgence seront économiques et sociaux : le paquet "pouvoir d'achat" avec le chèque alimentation et la ristourne ciblée sur les carburants, le projet de loi de finances rectificatif de cet été, la réforme des retraites, pourquoi pas une renationalisation d'EDF. Sur tous ces dossiers, il est très difficile d'avancer sans majorité claire et encore plus difficile d'arriver au bout si on a le président de la commission des Finances contre soi.
Cette présidence risque de ternir notre crédibilité à l'étranger. Surtout que le contexte international risque de ranger (à nouveau) la France parmi les mauvais gestionnaires de l'Europe. On affiche une de 2.834 milliards d'euros qui représente 116% de notre PIB. La Banque Centrale Européenne va remonter ses taux d'intérêts dans les prochaines semaines, ce qui fait que notre dette sera encore plus lourde à rembourser.
En d'autres termes, on va creuser un peu plus notre trou.
La comparaison avec l'Allemagne sera très défavorable (c'est ce qu'on appelle
les Spreads). Les pays nordiques (les frugaux, ceux qui sont très à cheval
sur les comptes publics) vont se réveiller et la France risque d'être placée sous
surveillance par Bruxelles. C'est ce qu'on appelle la procédure pour déficit
excessif.
On a déjà connu ça. Ce
n'est pas agréable et, dans ces cas-là, il vaut mieux que le gouvernement et la commission des Finances parlent d'une seule voix. Si la commission remet en
cause la légitimité de Bruxelles en la matière, c'est un très mauvais début de
discussion.