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"Je ne peux que lutter si je ne veux pas mourir" : Amine Kessaci, le combat d'un jeune militant écologiste dans la douleur et le deuil contre le narcotrafic

Engagé dans la lutte contre le narcotrafic à Marseille, Amine Kessaci a perdu ses deux frères. Deux assassinats qui ont renforcé son combat pour les jeunes des quartiers de la cité phocéenne.

Amine Kessaci, le 8 octobre 2024, à Marseille

Marie-Pierre Haddad

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Avec un gilet par-balles, pour l'enterrement de son petit frère. L'image résume, à elle seule, le combat d'Amine Kessaci. Six jours après la mort de son frère Mehdi, 20 ans, tué par balles à Marseille, le militant écologiste a pris la parole, ce mercredi 19 novembre, dans une tribune publiée dans Le Monde. Si la douleur "l'éparpille", elle n'altère pas et "n'effrite pas" sa "lucidité", a-t-il indiqué. "Je serai le gardien de sa mémoire. Non, je ne me tairai pas. Je dirai et répéterai que Mehdi est mort pour rien. Je dirai la violence du narcotrafic", écrit-il.

Dans cette tribune, il révoque les termes de "crime d'avertissement", tandis que le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez évoquait un "crime d'intimidation". "Un crime n'est jamais un avertissement. Le sang versé l'est pour toujours, et a plongé ma famille dans l'infini de la mort. On nous frappe pour nous briser, pour nous domestiquer, pour nous asservir", a déclaré Amine Kessaci.

L'engagement d'Amine Kessaci est lié à un autre drame : la mort de son frère Brahim, dont le corps a été retrouvé le 29 décembre 2020, calciné dans le quartier des Pennes-Mirabeau, à Marseille. "Je l’ai appris dans le journal de La Provence. J’ai lu : 'Un barbecue aux Pennes-Mirabeau' mais d’où on utilise ce terme pour des humains calcinés ?", confiait-il en 2021 à Actu.fr

Une association pour lutter contre le trafic de drogues

Quelques mois avant l'assassinat de son grand frère, en juillet 2020, Amine Kessaci avait décidé de s'engager dans la lutte contre le narcotrafic, en créant son association Conscience. Il a alors 18 ans. "Nous voulons montrer que les jeunes issus de l’immigration, les jeunes des quartiers nord... Ils peuvent sortir de leur cité. Ce n’est pas parce qu’on est dans les quartiers nord, qu’on a vu les armes et la drogue dans nos cités qu’on n’est pas intéressés par divers sujets", défendait-il.

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En 2021, Emmanuel Macron s'était rendu dans la cité phocéenne afin de lancer le plan "Marseille en grand". Le président de la République avait pour objectif de faire de sa ville de cœur "un laboratoire de nouvelles politiques publiques menées sur sept priorités : sécurité, social, sanitaire, éducation, emploi, culture et transports, pour changer la vie des Marseillais", comme on peut le lire sur le site de l'Élysée. À cette occasion, le chef de l'État a rencontré Amine Kessaci. 

Emmanuel Macron est venu avec beaucoup de caméras avec lui pour annoncer des mesures qui avaient déjà été annoncées

Amine Kessaci au micro de RTL en 2022

En 2022, au micro de RTL, le jeune homme expliquait que "cela fait 25 ans qu'on fait le constat de ces trafics de stupéfiants, mais qu'on n'arrive pas à en tirer des conséquences politiques". Deux ans plus tard, lors du lancement de l'opération "Place nette XXL", Amine Kessaci est candidat écologiste aux élections européennes. Invité sur RTL, il dénonçait le coup de communication opéré par Emmanuel Macron : "L'histoire, on la connaît. Emmanuel Macron est venu avec beaucoup de caméras avec lui pour annoncer des mesures qui avaient déjà été annoncées dans le plan 'Marseille en grand', à savoir des renforts policiers supplémentaires et puis on nettoie médiatiquement Marseille pendant trois semaines".

Et d'ajouter : "Aujourd'hui, quand Emmanuel Macron vient à Marseille pour annoncer ses effectifs supplémentaires, on est très heureux puisqu'on demande le retour de la police de proximité. Mais trois semaines après, dès qu'ils partiront, la situation redeviendra la même. Le réseau reprendra le dessus, avec des jeunes qui ne viennent pas que de Marseille mais aussi d'autres villes parce qu'il y a toute cette attractivité autour des réseaux".

Candidat écologiste lors des européennes et des législatives de 2024

En 2022, Amine Kessaci a pu voter pour la première fois lors d'une élection présidentielle. Auprès de Konbini, il évoquait ses attentes en matière de politique. "Moi, ce qui m'énerve en politique, c'est l'inactivité du gouvernement et le fait qu'on nous infantilise", expliquait-il. 

Son engagement politique est freiné, il n'a pas été présenté aux élections européennes sur la liste de Marie Toussaint. Quant à sa candidature lors des législatives partielles, Amine Kessaci avait perdu de peu face à la députée sortante du Rassemblement national, Gisèle Lelouis, dans la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Amine Kessaci a aussi publié un livre, Marseille, essuie tes larmes - Vivre et mourir en terre de narcotrafic aux éditions Le bruit du monde. Dans cet ouvrage, il était revenu sur son engagement politique, comme le souligne Le Dauphiné Libéré. "La politique ne m’a jamais tendu la main, alors j’ai décidé de la prendre à la gorge, de m’en emparer, de la forcer à nous regarder. Brahim, c’est toi qui m’as jeté dans ses bras le jour où tu as brûlé dans une voiture", écrivait-il.

Bien sûr que c'est la précarité qui pousse les gens à faire n'importe quoi.

Amine Kessaci, au micro de RTL en novembre 2024

Pour lui, la lutte contre le trafic de drogue est liée à la lutte contre la précarité. La réponse politique émanant de l'Élysée est "toujours la même réponse : plus de police et pas de résultat". "Si c'était la bonne réponse, on aurait élucidé le problème depuis des mois (...) Les jeunes des quartiers attendent que l'on parle plus de justice sociale, moins de répression, plus de prévention et surtout la police de proximité". 

"Ça fait des semaines qu'on supplie, qu'on demande la police de proximité. Et ce que les gens demandent, c'est qu'on parle de leur logement, qu'on parle de la sécurité dans les quartiers, qu'on parle de la responsabilité des bailleurs sociaux. Bien sûr que c'est la précarité qui pousse les gens à faire n'importe quoi. Bien sûr qu'aujourd'hui en France, il y a des familles qui ne peuvent pas se nourrir. Bien sûr qu'aujourd'hui, il y a des gens qui n'ont pas accès à des logements. Il y a des gens qui n'ont pas la possibilité de finir le mois. Cette question sociale, elle est à élucider dans un premier temps", déclarait-il en novembre 2024.

Un an après cet entretien, Amine Kessaci est plus que jamais engagé dans la lutte contre le narcotrafic. Dans Le Monde, il assure : "Je parle et je ne me tairai pas parce que ma mère m’a appris à ne pas baisser la tête. Je parle, depuis mon deuil, depuis l’épicentre de ma souffrance, pour demander justice pour les miens, mais aussi pour toutes les autres victimes. Je parle parce que je ne peux que lutter si je ne veux pas mourir".

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