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Interview de Macron à "Brut" : un exercice périlleux pour le président ?

DÉCRYPTAGE - Le président de la République répondra le 4 décembre en direct sur les réseaux sociaux aux questions des journalistes de "Brut" et aussi à celles des internautes.

Emmanuel Macron, le 20 juillet 2020

Crédit : JOHN THYS / POOL / AFP

Marie-Pierre Haddad

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Violences policières, proposition de loi "sécurité globale", crise économique liée au coronavirus, chômage... Emmanuel Macron va s'adresser à la jeunesse, vendredi 4 décembre sur le média en ligne Brut, dont les vidéos sont visionnées par 13 millions de personnes par jour. Le président de la République se livrera aussi à un exercice de questions-réponses avec les internautes. 

L'interview du chef de l'État sera diffusée sur les réseaux sociaux de Brut à savoir Facebook, Twitter et YouTube. À la différence des allocutions télévisées, Emmanuel Macron cherche à atteindre un public plus jeune, qui ne s'informe pas forcément via les médias dits traditionnels. 

S'adresser à la jeunesse via les réseaux sociaux a souvent été un défi pour les politiques. Certains ont surtout réussi à s'attirer les moqueries des internautes, en reprenant parfois des codes de façon maladroite. 

Les réseaux sociaux, indispensables à la communication politique

Dernière en date : Marlène Schiappa. La ministre déléguée à la Citoyenneté a ouvert un compte sur le réseau social TikTok le 25 novembre. "Salut à toi jeune entrepreneur !", a-t-elle lancé avec en musique de fond la chanson de Beyonce Run The World. Elle parodie Jean-Pierre Fanguin, un influenceur suisse connu pour inviter les internautes à gagner de l'argent facilement... et surtout très moqué et critiqué sur les réseaux sociaux. 

Depuis plusieurs années, Jean-Luc Mélenchon a développé son audience sur les réseaux sociaux, alliant à la fois meeting en réalité virtuelle, questions-réponses sur YouTube et petites séquences humoristiques sur TikTok.

Depuis son élection en 2017, ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron se prête à ce type d'exercice. Elodie Mielczareck, sémiologue et spécialiste en communication politique, explique à RTL.fr "qu'il est stratégiquement opportun d’utiliser des canaux de communication", comme Snapchat et Instagram. 

D'autant plus que lors de la dernière campagne présidentielle, "on a en effet vu des innovations en termes de communication" liées à ces réseaux sociaux, ajoute-t-elle. Selon la 19e édition du baromètre numérique, 'les jeunes regardent moins la télévision, pour préférer un usage plus numérique de l’information : ils sont connectés en permanence sur les réseaux, contrairement à la génération précédente", poursuit l'experte en communication politique.

Une "génération sacrifiée" dans l'attente de réponses

Emmanuel Macron choisit donc de s'adresser à la jeunesse à un instant clé de son quinquennat. Cette interview s'inscrit face à "un vrai besoin", selon Isabelle Veyrat-Masson, directrice de recherches au CNRS. Contactée par RTL.fr, elle estime qu'"il y a une vraie actualité spécifique à la jeunesse, avec la crise du coronavirus, le chômage des jeunes, l'avenir incertain et aussi les questions de société liées au harcèlement sur les réseaux sociaux et aux violences policières". 

Elodie Mielczareck rappelle que "la pandémie que nous traversons n'épargne pas les jeunes. Une majorité se vit comme étant la génération sacrifiée (selon le dernier sondage Ifop sur "le regard des jeunes Français à l'heure du coronavirus", ndlr)". Cette perception s’est "largement accentuée" lors du second confinement "où les discours présidentiels et sanitaires les ont visés en particulier, en les rendant responsables - au moins implicitement - de la propagation du virus", explique la sémiologue.

Un parti-pris qu’Emmanuel Macron entend visiblement corriger, d'après Elodie Mielczareck. "Il multiplie les allocutions et a nommé Gabriel Attal pour 'parler aux jeunes'". Le porte-parole du gouvernement met en place depuis plusieurs semaines "une stratégie quasi marketing en multipliant les apparitions gouvernementales autour de youtubeurs et instagrammeurs reconnus mais 'star' de la radio ou de la télévision, comme Difool, Cauet, Hanouna, etc...", analyse-t-elle.

Pédagogie et propositions concrètes

Il est donc important pour Emmanuel Macron d'être dans une communication "pédagogique", selon Isabelle Veyrat-Massonne. L'exercice de questions-réponses en direct est un élément important et inhabituel à souligner pour une interview présidentielle. "La meilleure communication, c'est l'interaction. C'est tout d'abord, plus agréable à regarder. Et surtout, ça donne une dimension plus démocratique" à l'entretien, précise-t-elle.

La directrice de recherches au CNRS observe une évolution du discours d'Emmanuel Macron depuis le début de sa présidence et en particulier depuis le début de la crise sanitaire. "Il a changé son mode de communication. Il n'est plus dans des discours avec un ton lyrique ou dans un storytelling. Désormais quand il prend la parole, Emmanuel Macron est neutre et factuel. Une communication Édouard-Philippienne", résume-t-elle.

Seul écueil à déjouer, selon Isabelle Veyrat-Massonne, le président "ne va pas dans le clivant et il prend donc le risque d'être ennuyant". Mais il n'y a "pas de risque pour Emmanuel Macron qui est généralement à l'aise dans la bagarre".

Un but électoral ?

L'exercice peut-il s'avérer périlleux pour le président de la République ? En faisant une interview sur un média en ligne, l'objectif d'Emmanuel Macron "n'est pas de changer de canal pour que l’information soit plus efficace ou pertinente, estime Elodie Mielczareck. Émettre un discours sur Instagram ou Brut n’est pas en soi un vecteur de changement, surtout dans les intentions de vote. Si les jeunes se mobilisent davantage lors des élections présidentielles, l’abstention reste le premier parti des 18-25 ans", explique la sémiologue. 

Il existe une "dimension linguistique" que le chef de l'État devra prendre en compte. "Le français oral contient beaucoup plus de nuances et de variabilité que la langue française écrite. Autrement dit, les jeunes possèdent leurs propres codes de langage. Et il est, en effet, rien de plus 'ridicule' qu’un locuteur prétendant maîtriser un argot qui n’est pas le sien. C’est le plus grand risque de dérapage pour Emmanuel Macron", estime-t-elle. 

D’autant plus que le président de la République affectionne particulièrement, comme le souligne la sémiologue "un registre ancien avec des expressions comme 'poudre de perlimpinpin'". 

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