ÉDITO - Pessimisme, déclinisme, besoin d'autorité : le cocktail qui nourrit le RN, selon Alba Ventura

Cela ne va pas remonter le moral des Français. La nouvelle étude de la Fondation Jean Jaurès "Fractures françaises", publiée par le journal Le Monde, dépeint une France pessimiste, décliniste. Une société plus violente.

Ce tableau noir n'est pas tout à fait nouveau, mais le ressentiment, le pessimisme sont des sentiments à infusion lente, des sentiments qui s’ancrent au fil du temps et qui sont régulièrement alimentés par l’actualité. 

On parle de l’inflation et la situation des Restos du cœur va venir percuter le sujet. On parle de l’immigration et le drame de Lampedusa vient réactiver le dossier. On parle d’Insécurité et des émeutes explosent. On parle d’écologie et on vit un été avec cet enchainement pénuries d’eau, sécheresse, incendies en nous disant que nous n’avons le choix qu’entre le pire et la décroissance.

L'écho des réseaux sociaux

On parle de guerre, avec le conflit des Russes en Ukraine et d’autres conflits surgissent comme l’offensive de l’Azerbaïdjan qui fait redouter une invasion de l’Arménie. Et évidemment le terrible attentat contre Israël par le Hamas.

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Ajoutez à tout cela l’écho des réseaux sociaux, ce soufflet qui attise le feu en permanence, il n’est pas étonnant de trouver le ciel bas et lourd. Ce qui est frappant dans cette étude, c'est le niveau de violence que ressentent les Français. 

Plus de 9 Français sur 10 disent avoir le sentiment de vivre dans une société violente

Plus de 9 Français sur 10 disent avoir le sentiment de vivre dans une société violente. Sans parodier Roger Gickel en 76 qui disait "la France a peur", il y a de ça et ce n’est pas qu’un sentiment. L’explosion du trafic de drogue, avec ses règlements de comptes, ce n’est pas une lubie. 

On évoquait les émeutes à l’instant. L’agressivité envers les maires, le harcèlement à l’école, la délinquance... La protestation, l’agressivité sont devenues des modes de communication comme les autres. Les Français se vivent dans un pays mécontent, en colère où l’image des politiques se détériorent notamment à l’Assemblée nationale. L’acrimonie avance tandis que les marques de respect reculent.

L’idée de plus de fermeté progresse à gauche

C’est ce que dit Jérôme Fourquet lorsqu’il parle des incivilités, du phénomène de "décivilisation", c’est-à-dire que chez une partie des individus, on ne retient plus les insultes et même la violence physique. La conséquence de cela, c’est que les Français réclament plus d’autorité à 82%. 

Ils disent vouloir un vrai chef pour remettre de l’ordre et ce n’est pas qu’une valeur de droite, puisque l’idée de plus de fermeté progresse à gauche. 

Est-ce que cela profite au RN ?

Est-ce que, là encore, c'est le Rassemblement national qui profite de cette situation ? Si vous mettez bout à bout le contexte économique, la violence, le besoin d’autorité et j’ajoute le "c’était mieux avant" - parce que la Fondation Jean Jaurès a demandé aux sondés s’ils éprouvaient de la nostalgie - et la réponse est oui à 73%. Oui effectivement le parti de Marine Le Pen engrange des points.

44% des personnes interrogées pensent qu’il peut gouverner. Ce qui est flagrant par rapport aux enquêtes des années précédentes de la fondation, c’est que même si le RN est toujours vu comme un parti d’extrême-droite, il apparait moins dangereux. Gilles Finchelstein à la tête de la fondation Jean Jaurès remarque que "la figure du mal" (ce sont ses mots) s’est inversée. Ce n’est plus le RN ; le parti est dépassé par LFI.

Alors évidemment, le RN n’a jamais été au pouvoir, donc il n’est pas comptable. C’est toujours plus facile. Mais on voit bien qu’au fil des enquêtes, c’est le parti qui apparait non plus seulement comme le réceptacle de toutes les crises, mais comme une issue politique. Cela devrait alerter les autres partis même à 4 ans de la présidentielle.