Coronavirus et confinement : Emmanuel Macron et le pari risqué de l'attentisme
DÉCRYPTAGE - Emmanuel Macron ne compte pas se laisser dicter son propre agenda. Le président de la République n'a pas l'intention de céder à la pression des blouses blanches qui militent activement pour un reconfinement du pays.

Échapper à une France sous cloche. Même si le scénario d'un reconfinement approche à grands pas, Emmanuel Macron souhaite repousser cette éventualité tant que possible. Après les multiples alertes de la communauté scientifique, le président de la République préfère, lui, éviter toute précipitation.
En plus de la prudence affichée par l'Élysée depuis plusieurs jours, le chef de l'État est agacé par la situation. "Le président en a assez de cette façon automatique et robotique de gérer la crise. Il veut des solutions nouvelles", confie un cadre de la majorité.
Dans un contexte où une course contre la montre s'est engagée face aux variants du coronavirus, le président de la République préfère "attendre". Attendre les résultats "des analyses supplémentaires", avant de trancher la question d'un troisième confinement.
Des décisions basées sur des études scientifiques
A contre-courant de l'agitation et de la pression sur un reconfinement, Emmanuel Macron a décidé donc de s'en remettre aux études scientifiques. "Les sorties incontrôlées et anxiogènes, car parfois contradictoires, des scientifiques" irritent le président à en croire son conseiller Stéphane Séjourné.
Dans Le Monde, il dénonce "cette surenchère médiatique permanente" qui "hystérise le débat". "Les scientifiques ne sont pas là pour faire de la politique. Ils doivent éclairer la décision des pouvoirs publics, pas s’éclairer eux-mêmes. Il faut que ce mélange des genres cesse", ajoute-t-il. Sans le nommer, Stéphane Séjourné vise le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy.
Les études scientifiques ne sont pas la seule raison de l'attentisme d' Emmanuel Macron. Le président de la République surveille scrupuleusement le seuil d'acceptabilité que provoquerait l'entrée en vigueur d'un confinement. Comme le souligne le chef des sénateurs LaREM François Patriat, le chef de l'État "fait attention à l’opinion car beaucoup de gens contestent le confinement et sont tentés par la désobéissance civile". Et d'ajouter dans Le Monde : "On prend toujours en compte l’acceptabilité. Mais quand il s’agit de vie ou de mort, les décisions ne se fondent pas là-dessus. Ce n’est pas le critère décisif".
La France dans l'attente
En s'ancrant dans cette stratégie, Emmanuel Macron s'expose aux critiques. Attente et politique ne sont pas des notions compatibles en communication politique. Le député la France insoumise du Nord Adrien Quatennens le résume. "La France est suspendue à vos hésitations et à vos incohérences !", a-t-il déclaré à l'Assemblée nationale.
Une attente et une lassitude de plus en plus présente chez les Français. Selon Marine Le Pen, les Français "ont fait beaucoup de sacrifices", sont "très respectueux des instructions qui sont données" et "continueront à l'être". "Mais ce n'est pas pour ça qu'ils ne s'interrogent pas sur à quoi sert tout cela et combien de temps cela va durer", ajoute la présidente du Rassemblement national.
Une stratégie qui provoque un naufrage, selon le professeur en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. Dans les colonnes de L'Express, l'expert estime être "face au Titanic de la communication" avec "un sentiment d'incompréhension aussi". "Résultat, on ne sait pas bien ce que pense l'Elysée dans tout ça et c'est très préoccupant", explique-t-il.
Insensible aux pressions
Emmanuel Macron prend le risque de s'exposer à un procès en manque d'anticipation dans le cas où le nombre de contaminations dues aux variants exploserait. Les oppositions se tiennent déjà prêtes en embuscade, à quinze mois de l'élection présidentielle de 2022.
Invité de LCI le 26 janvier, le chef des urgences de l'hôpital Georges Pompidou et maire LR de La Garenne-Colombe Philippe Juvin a alerté Emmanuel Macron : "Plus on confine tôt, plus ce sera court". "Il faut donner de l'espoir aux gens", en leur disant "c'est la der des der. Plus on tarde, plus ce sera long et difficile", a-t-il expliqué.
"Insensible, assure son entourage, aux pressions", comme le souligne l'AFP, le président de la République a enjoint le premier ministre de mener "une concertation approfondie" au sujet des "différents scénarios" actuellement sur la table avec les parlementaires, les associations d'élus et les syndicats.
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