"Si on ne nous entend pas, on va bloquer les routes, bloquer les places, ne pas travailler". Voici le mot d'ordre du collectif "Bloquons tout le 10 septembre". Depuis plusieurs semaines, ce mouvement prend de l'ampleur sur les réseaux sociaux, notamment après avoir reçu le soutien de Jean-Luc Mélenchon et de la France insoumise. Côté syndicat, la CGT a appelé à la grève et à "tout bloquer" les 10 et 18 septembre 2025.
À Saint-Denis, Gabrielle, 73 ans, a décidé de s'y engager. Au micro de RTL, elle a dressé la liste des revendications du collectif, lors d'un tractage devant un supermarché : suppression de la réforme des retraites, davantage de moyens pour l'hôpital et plus de transports dans sa ville...
Entre appel à manifester, grève générale et actions individuelles, cette mobilisation interviendra deux jours après le vote de confiance et la chute annoncée de François Bayrou. D'où ce mouvement vient-il et comment a-t-il émergé ? Quelle est sa coloration politique ? Peut-il s'inscrire dans la durée, à l'image du mouvement des "Gilets jaunes" ? À une semaine de la mobilisation, RTL.fr fait le point.
Le mouvement "Bloquons tout" s'inscrit dans son époque puisqu'il a pris corps sur les réseaux sociaux notamment Facebook, TikTok et la messagerie cryptée Telegram. Il est l'initiative de deux groupes. Le premier s'appelle "Les Essentiels" et a été lancé en mai dernier.
Rapidement après sa création, une vidéo est postée avec un appel à bloquer le pays le 10 septembre. Sur leur site internet, un décompte est mis à jour en temps réel, avant la date fatidique du 10 septembre. "La France s'arrête", "prépare-toi à reprendre le contrôle dans ta vie", "la résistance s'organise partout en France", peut-on lire.
Le mouvement "les Essentiels" est principalement actif sur une boucle Telegram qui compte, à cette heure-ci, 655 abonnés. En description de ce groupe, on peut y lire le message suivant : "Assez de mensonges. Assez de promesses. Assez de trahisons. Depuis trop longtemps, on nous dit quoi penser, quoi espérer, quoi oublier. Mais cette époque touche à sa fin. Nous reprenons la parole. Nous reprenons le pouvoir. Les essentiels, c'est nous". Des messages, des vidéos, des articles concernant le mouvement du 10 septembre y sont partagés. Ainsi qu'une affiche annonçant la mobilisation et reprenant le visage de Coluche.
Qui est à l'origine de ce mouvement ? Pour "les Essentiels", Julien Marissiaux, entrepreneur et gérant d'un café associatif, a lancé l'initiative. À RTL, il explique : "On est là pour dénoncer un système qui est défaillant depuis plus de 45 ans (...) On ne parle pas de blocage physique, mais boycotter sa carte bleue, essayer de retirer de l'argent au maximum, pour essayer de construire autre chose".
Le deuxième groupe a pour nom "Indignons-nous" et affiche un discours plus politisé. Il est né après le 15 juillet, date à laquelle François Bayrou a dévoilé son budget et annoncé des mesures comme la suppression de deux jours fériés. Selon Véronique Reille Soult, présidente de Backbone Consulting, citée par Franceinfo, "les médias ont relayé cette annonce budgétaire, mais sur les réseaux, ce sont les deux jours fériés en question qui ont joué le rôle d’étincelle".
Dans une vidéo postée sur leurs réseaux sociaux, ils interpellent François Bayrou et lui reprochent le recours au vote de confiance. "Une tentative pitoyable qui témoigne de la position désespérée de Macron et de ses gouvernements isolés contre le peuple". Et là encore, la date du 10 septembre est citée.
Les jours s'écoulent et les différents appels à la mobilisation se propagent. Dans une étude, l'agence spécialisée dans l'analyse de données sur les réseaux sociaux, Visibrain, note que "sur TikTok, le mouvement du 10 septembre est particulièrement visible, avec plus de 22 millions de vues cumulées pour les contenus qui en parlent. Sur Facebook, "plus de 5 200 pages relatives au mouvement sont dénombrées, notamment de la part de groupes d’ex-Gilets Jaunes".
Sur X aussi, le mouvement prend rapidement : les premiers jours, en moyenne 19.000 messages y font référence, par jour. Ce nombre monte à 40.000 messages par jour, après le soutien de Jean-Luc Mélenchon au mouvement, pour atteindre actuellement 70.000 messages postés par jour. "C’est un volume largement supérieur à celui observé pour les 'Gilets jaunes' en 2018", constate l'agence. Cependant, il est important de souligner la part des faux comptes qui postent des messages de façon prolifique et les repartagent à volonté. Certains "bot" (un compte robot, ndlr) vont jusqu'à générer plus de 1.000 tweets par jour.
"Ce qu'était ce mouvement quand il est né est très différent de ce qu'il est devenu", explique Antoine Bristielle, docteur en science politique et directeur de l’Observatoire de l’opinion de la fondation Jean Jaurès et auteur d'une enquête sur le sujet. Joint par RTL.fr, le chercheur décrit un mouvement initialement "assez nébuleux" qui "avait pour mot d'ordre : le collectif, le souverainisme et était associé à l'extrême droite".
En effet, la cartographie de Visibrain démontre que les balbutiements du mouvement du 10 septembre agrègent les anti-système. Mais ils restent à distance de toutes actions de blocage ou de mobilisation dans la rue. "Ils ne souhaitent pas le chaos ou pensent que c’est inefficace", peut-on lire dans l'étude.
Depuis, le mouvement s'est déporté sur la gauche. "Actuellement, on observe que l'extrême droite est marginalisée au sein du mouvement qui, lui, est situé plus à gauche", note Antoine Bristielle. "Les militants de gauche se sont vite intéressés à ce mouvement et ont rapidement essayé de le noyauter. L'extrême droite n'a pas voulu se mobiliser. Le profil des personnes qui y sont engagées est très marqué à gauche. Lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2022, 69% d'entre eux ont voté pour Jean-Luc Mélenchon et 10% pour Philippe Poutou, candidat du NPA. Du point de vue sociologique, ils sont jeunes, avec très fort niveau d'études, habitants dans des moyennes et petites villes, et très marqués à gauche", détaille le docteur en science politique.
Ce mouvement de contestation fait écho à celui des "Gilets jaunes". Invité de RTL, Jean-François Amadieu, professeur à l'université Paris 1 et spécialiste des relations sociales, observe des similarités entre les deux courants. "C'est organisé sur les réseaux sociaux, comme la dernière fois, et on retrouve la même incertitude qu'en novembre 2018 sur la suite", indiquait-il.
Mais la comparaison s'arrête là, selon lui. En 2018, le sujet "fédérateur" de la colère des "Gilets jaunes" était "la question du carburant, du diesel, a-t-il rappelé. C'était du concret. Ce n'est pas le cas actuellement, c'est plus disparate dans les revendications".
Quelles sont les revendications des membres de "Bloquons tout" ? Trois thématiques émergent : les inégalités sociales, l'environnement et le pouvoir d'achat. Selon Antoine Bristielle, ce mouvement est désormais caractérisé par "une défiance envers les institutions et le pouvoir en place avec notamment un rejet d'Emmanuel Macron. Il existe une forte demande de nouvelle démocratie directe".
Désormais, la question qui se pose concerne l'ampleur du mouvement. Selon un sondage de Toluna - Harris Interactive pour RTL, deux tiers des Français soutiennent le mouvement de blocage à venir, une part à peu près similaire que pour le mouvement des "Gilets jaunes".
"Il existe un vrai flou sur le mode d'actions. Certains disent qu'ils comptent rester chez eux et débrancher leur box internet, d'autres qu'ils renonceront à payer avec leur carte bleue et d'autres qui annoncent qu'ils se mobiliseront dans la rue, explique Antoine Bristielle à RTL.fr. Mais on a une rentrée politique très chargée et cela peut être un moteur pour cette contestation sociale".
Dans une note consultée par RTL, la direction nationale du renseignement territorial (DNRT) dénombrait 36 réunions préparatoires depuis le lancement du mouvement, et 43 autres à venir. Une "dynamique qui devrait s'accélérer" malgré des "divergences" internes qui perdurent. Au sein de la classe politique, une élue insoumise confie à RTL.fr ne pas parvenir à jauger le mouvement. "C'est très difficile à mesure", explique-t-elle. Un ministre, lui, prédit un effet pschitt : "Jean-Luc Mélenchon a tué le mouvement en le soutenant".
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