1er mai : pourquoi le Rassemblement national ne fête plus Jeanne d'Arc ?

Sur fond de dédiabolisation, le Rassemblement National a abandonné progressivement la tradition du défilé du 1er mai en l'honneur de Jeanne d'Arc, initiée par Jean-Marie Le Pen.

Marine Le Pen en meeting sur la place de l'Opéra, le 1er mai 2012, avec une photo de la statue de Jeanne d'Arc en fond

Crédit : Kenzo TRIBOUILLARD / AFP

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C'était une tradition du 1er mai politique. L'extrême-droite organisait son défilé de l'Opéra à la place des Pyramides, où Jean-Marie Le Pen et ses proches, politiques comme famille, déposaient une gerbe de fleurs devant la statue de Jeanne d'Arc. Cette manifestation a été organisée entre 1988 et 2015. Mais depuis, le 1er mai du FN, devenu RN, a changé complètement de cap pour célébrer le jour du muguet, cette année à Narbonne.

À l'origine, la célébration de Jeanne d'Arc n'est pas fixée au 1er mai mais huit jours plus tard, le 8 mai, jour de la libération d'Orléans en 1429. C'est cette date que la droite voulait instaurer comme "deuxième fête nationale", en 1920, sur proposition du député nationaliste Maurice Barrès. C'est d'ailleurs toujours le cas, puisque "la Fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme", le deuxième dimanche de mai, fait partie des douze journées nationales organisées chaque année par le ministère des Armées.

Après la Deuxième Guerre mondiale, le 8 mai devient le jour de la Victoire. Mais les anciens collaborationnistes continueront à célébrer cette fête de Jeanne d'Arc, presque en confrontation avec le jour promu par les libérateurs de la France. Le Front national s'y associe dès 1978 et participe au défilé. Jusqu'en 1988. Le 8 mai 1988 est la date choisie pour le second tour de l'élection présidentielle à laquelle Jean-Marie Le Pen participe. Il décale donc une semaine avant son défilé de Jeanne d'Arc, au 1er mai. "Nous avons décidé de jumeler cette fête patriotique avec la fête des travailleurs afin de montrer la vocation sociale du FN", a expliqué au journal Libération Carl Lang, ancien secrétaire général du parti.

Un défilé devenu encombrant

Si d'autres mouvements d'extrême-droite, comme Civitas, continueront de célébrer le 8 mai, depuis 1988, les défilés sont fixés au 1er mai et ne bougeront plus du côté du parti lepéniste. Ils seront marqués par la présence de plus en plus forte de militants ultra. En 1995, trois skinheads, provenant des rangs de la manifestation du FN, jettent un jeune homme de 29 ans dans la Seine : Brahim Bouarram. Il meurt noyé.

En 2015, le défilé s'avère un fiasco. Le parti a été repris depuis quatre ans par Marine Le Pen. Candidate à la présidentielle en 2012, elle veut normaliser son parti. L'héritage de son père, qui quelques jours avant le défilé du 1er mai vient de persister et signer sur les chambres à gaz, "point de détail" de l'histoire, devient de plus en plus lourd à porter. Ce jour-là, Le Pen père crie "Jeanne au secours" au pied de la statue. Pas invité à prendre la parole lors du discours place de l'Opéra, il monte tout de même sur scène, sans autorisation. Quelques semaines plus tard, il sera exclu du parti. Ce défilé animé sera aussi marqué par l'irruption de Femen et l'agression de journalistes par des militants.

Une figure qui disparaît

Dès l'année suivante, le défilé est annulé. L'hommage à Jeanne d'Arc change de lieu, d'abord déplacé près d'une statue plus petite de la Pucelle d'Orléans, place Saint-Augustin à Paris, en 2013, en parallèle d'un banquet républicain à la Villette, puis à Cannes ou à Montigny-les-Metz. L'hommage à Jeanne d'Arc continue pendant le Covid, avec un dépôt de gerbe soit devant la statue dorée de la place des Pyramides, soit devant sa cousine du quartier Saint-Augustin. Puis, la figure de la Sainte, célébrée fin mai par l'Église catholique, disparaît.

En 2023, au Havre, la figure de Jeanne d'Arc n'apparaît pas. Elle sera juste célébrée par Marine Le Pen et Jordan Bardella par un dépôt de gerbe, après coup, sur la route du retour à Paris. Cette année, Marine Le Pen l'a évoqué, en quelques mots, dans son discours face aux militants, avant de parler du travail et de son programme économique.

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