Violeur de la Sambre : au procès "il y a eu une forme de sororité", raconte la journaliste Alice Géraud

PODCAST - En juillet 2022, la Cour d'assises du Nord condamne Dino Scala à 20 ans de réclusion criminelle pour agressions sexuelles et viols. Au procès, de nombreuses victimes ont témoigné, confrontées pour la première fois à leur agresseur.

Cette photographie montre une vue générale de la salle d'audience avant l'ouverture du procès du "violeur de la Sambre" Dino Scala au palais de justice de Douai, le 10 juin 2022.

Crédit : DENIS CHARLET / AFP

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Juin 2022. Dans la salle d'audience de la Cour d'assises du Nord, les témoignages s'enchaînent. À la barre, des dizaines de victimes témoignent de l'horreur qu'elles ont vécue. Un matin, alors qu'elles marchaient aux alentours de la Sambre, rivière à la frontière franco-belge, toutes ont été agressées ou violées par Dino Scala. Lors du procès, chacune de ses femmes tente de raconter le traumatisme malgré, parfois, les contestations de leur violeur.

"Il y avait un certain nombre de victimes pour lesquelles il ne voulait pas reconnaître les faits, et donc elles allaient devoir se défendre d'être victime, et une fois de plus avoir le sentiment d'être accusées de quelque chose", se souvient la journaliste Alice Géraud dans Les Voix du Crime, autrice de Sambre : Radioscopie d'un fait divers (JC Lattès, 2023).

Pour certaines, le crime vécu remonte à plus de vingt ans. Pour d'autres, quatre. Pendant trois décennies, le violeur de la Sambre a sévi, jusqu'à son arrestation en 2018. Des années pendant lesquelles ces femmes sont restées dans le silence, dans la crainte, et dans l'attente que l'identité de leur agresseur soit enfin révélée. Pour Alice Géraud, le procès de Dino Scala est un "aboutissement", mais aussi un moment d'entraide.

Il y a une forme de sororité qui ne dit pas son nom

Alice Géraud

"Elles se donnent du courage. Pendant l'audience, celles qui sont le plus à l'aise pour pouvoir parler vont soutenir les autres. Il y a une forme de sororité qui ne dit pas son nom, qui se met en place et qui va, je pense, au fil de ces trois semaines, fortifier ces femmes et fortifier la défense. Si bien qu'au bout d'un moment, au bout de trois semaines, c'est tout juste si on ne l'a pas oublié, le Dino Scala", confie l'autrice.

Pour la première fois, toutes sont confrontées à celui qui les hante et les rassemble. "Elles avaient trimballé avec elles le poids de cette agression intime toutes seules, toute leur vie. Et puis elles se retrouvaient dans quelque chose de collectif et même de public", poursuit-elle. Si certaines racontent leur histoire, d'autres peinent à être seulement présentes dans la salle. "Je pense à une victime en particulier qui a passé les trois semaines en restant trois quarts de dos, pour ne pas avoir à croiser le regard de Dino Scala", se souvient la journaliste.

Qu'on ait violé deux femmes ou 56, c'est le même tarif pénal

Alice Géraud

L'épreuve est de taille. Face aux questions virulentes du juge, certaines prennent peur. La peur de ne pas être crues. "Les victimes vont fumer des clopes et commencent pour la première fois à discuter ensemble parce qu'un certain nombre d'entre elles disent 'bon, moi je ne vais pas venir déposer, voilà, je ne veux pas vivre ça, je n'en suis pas capable si ça se passe comme ça pour moi'. C'est le premier lien qui se crée. Et puis d'autres disent non, il faut qu'on reste", se rappelle Alice Géraud.

Sur 56 faits répertoriés, Dino Scala est condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour 54 d'entre eux. "En France, aujourd'hui, et c'est une des questions qui a été soulevée par ce procès, qu'on ait violé deux femmes ou 56, c'est le même tarif pénal", déplore la journaliste. Pour deux des plaignantes, le crime n'a pas été reconnu et malgré les témoignages accablants, le violeur de la Sambre a fait appel du verdict. Une épreuve supplémentaire pour les nombreuses victimes, qui devront attendre le nouveau procès qui se tiendra en 2024.

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