Violeur de la Sambre : le commandant Franck Martins raconte comment il a réussi à arrêter ce criminel en série

Franck Martins n'a connu qu'une arrestation comme celle-ci dans sa longue carrière. Ce jour de février 2018, le commandant Martins arrête celui qu'il traque depuis des décennies. Cet homme s'appelle Dino Scala. Et pendant trente ans, le surnommé "Violeur de la Sambre", a violé en toute impunité de nombreuses femmes le long de la rivière franco-belge. Au total, 56 faits d'agressions sexuelles et de viols ont été répertoriés. 

Le jour de l'arrestation, au petit matin, Franck Martins en est presque certain : Dino Scala s'apprête à sévir. "Parce qu'il part déjà beaucoup plus tôt par rapport à l'heure où il doit embaucher dans son entreprise. Il y a peut-être plus d'une heure ou presque une heure de décalage. Et puis, il a la parfaite combinaison de ce qu'on lui connaît." A savoir, stockés dans son véhicule, des liens, un couteau, des gants et du scotch attendant d'être utilisés… 

Lorsque les policiers l'interpellent à l'abord de sa voiture, le violeur s'étonne. "Il réagit comme tout le monde, 'qu'est ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que vous voulez ? Pourquoi moi ? Je n'ai rien fait ? Il joue la personne un peu stupéfaite de se retrouver menottée, allongée sur le sol, à six heures du matin, sortie de son véhicule", se rappelle le commandant dans Les Voix du Crime. 

On cherchait une aiguille dans une meule de foin

Franck Martins

Pour Franck Martins, commandant de la PJ aujourd'hui retraité, cette arrestation reste une grande "satisfaction", car il aura fallu des années avant de mettre la main sur Dino Scala. Il se souvient d'ailleurs parfaitement du jour où il a entendu ce nom. "La première fois que j'ai entendu parler du violeur de la Sambre, c'est à l'occasion d'une sollicitation de la part de mes collègues de la brigade criminelle qui souhaitaient utiliser les effectifs pour effectuer des investigations sur le terrain dans la nuit ou très tôt le matin. C'étaient les heures auxquelles il frappait. On cherchait une aiguille dans une meule de foin", explique-t-il. 

Pour autant, malgré les investigations menées au départ, aucun élément concret ne permet d'identifier un potentiel suspect. Le dossier est laissé en suspens, jusqu'en 2008. Cette année-là, le commandant intègre la cellule cold-case de la PJ de Lille. "Dans le cadre des affaires dont on s'était saisi, il y avait bien évidemment le violeur de la Sambre, et donc on reprend le dossier depuis le départ, et on repart à zéro."

Le travail est de taille et la tâche est complexe : le violeur de la Sambre sévit des deux côtés de la frontière franco-belge. La cellule cold-case tente de recontacter toutes les victimes qui ont été violées, ou agressées sexuellement. "Le traumatisme est tel que, des années plus tard, elles ont encore un souvenir très frais de ce qui leur est arrivé. Elles sont capables de fournir des éléments très précis sur la description et des petits détails qui leur aurait peut-être échappé dans leur première déposition", poursuit le commandant. 

On sait que s'il se fait prendre pour une autre infraction, ça marchera et on l'identifiera

Franck Martins

Les témoignages de ces femmes permettent d'établir un profil : il pourrait s'agir d'un manutentionnaire. Puis, l'étau de resserre : l'ADN du violeur est prélevé à plusieurs reprises sur des scènes de crime. "On sait que s'il se fait prendre pour une autre infraction, ça marchera et on l'identifiera (…) Par contre, ce qu'on ne veut pas, c'est qu'il y ait encore d'autres viols. Donc on ne peut pas se dire 'bon on tombera bien dessus un jour'", ajoute Franck Martins. En 2010, la cellule cold-case de la PJ de Lille est dissoute. Malgré sa dissolution, le commandant continue de mener l'enquête, coûte que coûte. "J'ai envie de continuer à espérer et à travailler dessus, pour essayer de mettre un nom sur ce visage." 

Franck Martins n'est d'ailleurs pas le seul à vouloir retrouver ce violeur multirécidiviste. Depuis des années, deux archivistes de la police mènent l'enquête et répertorient méticuleusement les messages diffusés concernant des agressions ou des viols dans cette zone, avec un mode opératoire similaire. Ce travail de longue haleine finit par payer : un fait de 2018 dans une commune belge les fait se rapprocher au plus près du violeur. Le véhicule du violeur est retrouvé, et les portraits-robots réalisés correspondent aux images des vidéo-surveillance : Dino Scala est enfin identifié.

En juillet 2022, Dino Scala comparaît devant la Cour d'assises du Nord. Au bout de trois semaines de procès, il est condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour 54 viols et agressions sexuelles sur 56, mais fait appel de cette décision. Le nouveau procès est se tiendra en 2024, un procès au cours duquel Franck Martins devra de nouveau témoigner, malgré la nouvelle "épreuve" que celui-ci représente. 

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