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Vatican : qui est l'auteur du triple meurtre au Saint-Siège ?

"L'Heure du crime" rouvre le dossier Cédric Tornay, du nom de ce jeune garde suisse du Vatican présenté au début du printemps 1998 comme le meurtrier d'un couple. Une double exécution au cœur du saint Siège suivie de son suicide, selon les autorités vaticanes. Et si la vérité était plus complexe ?

Muguette Baudat (C) la mère de Cédric Tornay et ses avocats, Mes Jacques Vergès (G) et Luc Brossolet, donnent une conférence de presse le 05 juillet 2002 à Rome.
Muguette Baudat (C) la mère de Cédric Tornay et ses avocats, Mes Jacques Vergès (G) et Luc Brossolet, donnent une conférence de presse le 05 juillet 2002 à Rome.
Crédit : Crédit : ALBERTO PIZZOLI / AFP
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Jean-Alphonse Richard & Célia Mamoghli

Ce lundi 4 mai 1998, aux alentours de 21h00, alors que la nuit tombe sur le Vatican, seule la lumière est restée allumée dans l'appartement du Pape, signe que Jean-Paul II est encore au travail. Soudain, des bruits retentissent dans l'immeuble voisin.

Dans le bâtiment qui jouxte la caserne de la Garde suisse, derrière la Porte Sainte-Anne, une religieuse a entendu des claquements secs au  deuxième étage. C'est un vaste logement de fonction, de huit pièces, occupé par le colonel Aloïs Estermann et son épouse Gladys Meza.

Le militaire est une figure bien connue du Vatican, il est en poste ici depuis plus de quinze ans et vient tout juste d'être nommé commandant la garde suisse, garde rapprochée ancestrale du Saint Père. La sœur accourt à l'appartement, elle trouve la porte ouverte et dira avoir senti une odeur de poudre et aperçu dans le logement trois corps sur le sol. Les autorités vaticanes sont immédiatement alertées. 

Trois corps sont gisant sur le sol

L'un des premiers religieux sur place est le cardinal Giovanni Battista Re, secrétaire d’État à l'Intérieur. Il n'a aucun mal à reconnaître les victimes. Au pied d'une table, gît le nouveau commandant de la Garde suisse, Aloïs Estermann, 43 ans. Un peu plus loin, son épouse Gladys, une Vénézuélienne de 40 ans qui travaille aux services consulaires de son pays, repose sur le dos. Mais ce n'est pas tout.

À quelques mètres enfin, comme replié sur lui-même, le corps d'un jeune garde suisse originaire du Valais, Cédric Tornay, 24 ans, est retrouvé. Sous son corps, les autorités découvrent une arme. Un pistolet Sig P75 9 millimètres, une arme en dotation dans la Garde suisse. 

Les cardinaux entrent et sortent dans l'appartement comme dans un moulin, la scène de crime est piétinée sans aucune précaution. Le juge du Saint-Siège, Gian Luigi Marrone, va superviser lui-même l’enquête confiée la gendarmerie du Vatican. Pas question d'alerter le procureur de Rome ou les carabiniers. "Il n'existe pas d'éléments qui permettent de demander l'aide judiciaire de l'Italie" précisera le porte-parole.

Une soirée qui tourne au drame

Les trois autopsies sont pratiquées à la morgue du Vatican. Le rapport du légiste est sans appel : le colonel Estermann a été abattu alors qu'il venait juste de raccrocher son combiné téléphonique. Un ami suisse l’avait appelé pour le féliciter et, avec son épouse, il s'apprêtait à sortir pour aller dîner avec des proches à l'Hôtel Colombus.

Aloïs Estermann a été touché par une première balle à la joue gauche, la balle est allée ensuite se loger dans la moelle épinière. Un deuxième projectile lui a traversé l'épaule. Quant à son épouse Gladys une seule balle a suffi à la tuer. Elle est entrée par l'épaule gauche, et elle lui a transpercé la colonne vertébrale. Selon le légiste, Cédric Tornay s’est quant à lui tiré une balle dans la bouche qui lui a fait exploser le sommet du crâne.

Trois heures seulement après la tragédie, et alors que les rapports d'autopsie ne sont pas terminés, le scénario est arrêté. Il est établi en un temps record par les enquêteurs. Il est le suivant : Cédric Tornay a fait irruption dans l'appartement et il a tiré sur Aloïs Estermann. Il a ensuite abattu Gladys qui se serait précipitée sur lui pour l'en empêcher. Il a fait quelques pas et s’est agenouillé pour se tirer une balle dans la bouche. Cette thèse ne fait aucun doute et elle est immédiatement relayée par le Vatican.

Cédric explique son geste dans une dernière lettre

Les explications officielles vont toutes dans le même sens : le caporal Cédric Tornay en voulait à son supérieur. Ce dernier l'avait déjà averti pour deux sorties nocturnes hors du Vatican. Qui plus est, Estermann avait refusé le matin-même de lui décerner la médaille du mérite - le Bénémérenti - que l'on accorde à ceux qui viennent de passer deux ans au Vatican.

Les rapports entre les deux hommes n’étaient pas au beau fixe, Tornay se serait senti humilié et ce matin-là ce fut l'humiliation de trop. Le Vatican évoque un raptus, un coup de folie, un acte de démence subit de la part du jeune garde suisse. Et d’ailleurs, la meilleure preuve est cette lettre laissée à sa mère Muguette. 

"La seule chose que je voulais ils me l'ont refusée" écrit Cédric, ajoutant : "j'espère que tu me pardonneras car ce que j'ai fait, ce sont eux qui m'ont poussé". Cette lettre, qui signe les meurtres et le suicide, va faire couler beaucoup, beaucoup d'encre.

L'invité de l'Heure du crime

- Muguette Baudat, maman de Cédric Tornay
- Me Luc Brossollet, avocat de Muguette Baudat
- Me Laura Sgro, avocate italienne de Muguette Baudat et auteure du livre Sangue in Vaticano aux éditions Rizzoli

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