Vendredi 7 mars 2014, il est minuit à l'aéroport international de Kuala Lumpur en Malaisie quand les caméras de vidéosurveillance filment les allées et venues des passagers dans la salle d'embarquement du vol MH370 de la Malaysia Airlines qui décolle dans quelques minutes à destination de Pékin. Les voyageurs sont insouciants, impatients.
Pourtant, dans quelques heures les dernières images de leurs sourires seront visionnées en boucle par des policiers, des militaires et les services de renseignements. Le vol pour la Chine doit durer 5h34, pas de retard annoncé. 00h40, décollage du Boeing 777-200. Dans l'avion les échanges dans le cockpit de ce pilotage sont détendus, on bavarde, on plaisante des choses et d'autres. Tout le monde semble heureux.
À 1h19, après 40 minutes de vol, le commandant Zacharie Ahmed Shah signale que le Boeing quitte l'espace aérien malaisien. L'Airbus vole désormais dans le ciel vietnamien. Les passagers entendent alors le commandant qui adresse son message habituel par la radio "Good Night all, Bonne nuit à tous, signé Malaysia 370". "C'est la dernière fois qu'on a entendu sa voix. Une voix naturelle et rassurante" dira un aiguilleur du ciel.
Dans la minute qui suit les pilotes auraient dû lancer un "Bonjour Ho Chi Minh" au passage de la balise à la pointe du Vietnam. Mais à 1h20, la radio est restée muette. Aucun message. Le contact se rompt. Vers 1h30, un vol de la Japan Airlines entre furtivement en contact avec le MH370. La conversation est "inaudible" assurent les autorités, les échanges ne seront jamais divulgués.
Pendant près de quatre heure, la disparition du vol de la Malaysia reste secrète. On pense alors à une avarie électronique passagère ou un blackout. Pourtant au fil des minutes qui défilent, l'espoir s'amenuit. Samedi 8 mars, à 5h30 du matin, la disparition du Boeing777-200 est officiellement signalés.
À l'aéroport de Pékin, les premières familles de passagers sont discrètement invitées à suivre les policiers chinois qui leur expliquent la situation. KS Narendran, un consultant indien installé à Chennai, attendait le retour de sa femme Chandrika. Il pleure et supplie qu'on lui dise où se trouve l'avion. Mais personne ne le sait. Le Français Ghislain Wattrelos, directeur pour la Chine du cimentier Lafarge, vient juste d'atterrir d'un avion en provenance de Paris. Il s'apprêtait à retrouver son épouse Laurence, 52 ans et deux de leurs trois enfants Hadrien, 17 ans et Ambre 13 ans, la famille était partie en vacances en Malaisie. Il se retrouve à écrire son nom sur un tableau et laisse ses coordonnées dans "l'espoir". Aucune autres indication n'est donnée.
Les recherches s'organisent autour d'un crash fantôme. Dans la soirée du 8 mars, les vietnamiens font savoir que de longues trainées d'hydrocarbures ont été repérées au large des côtes du Vietnam. Dès le lendemain, sont évoqués des objets flottants qui pourraient ressembler à des restes de carlingue.
Après l'annonce de la disparition du Boeing, une équipe du FBI américain est dépêchée à Kuala Lumpur. Ce sont les tout premiers à avoir accès aux documents d'enquête.
Deux jours plus tard, la Malaisie ouvre une enquête pour terrorisme. En effet après avoir consulté la liste des passagers, deux Iraniens voyageaient sous de fausses identités, avec des passeports volés à un Autrichien et à un Italien. Ils auraient prévu de se rendre à Amsterdam en passant par Pékin. Un itinéraire peu habituel. L'hypothèse d'un attentat se précise.
Les autorités disent tout ignorer de ce qui s'est passé, au grand désespoir des familles des passagers disparus. "L'appareil s'est probablement désintégré à une hauteur de 35.000 pieds" suggère dans le journal Bangkok Post, sous le sceau de l'anonymat, un responsable de l'aviation civile. Mais aucun morceau de l'avion n'a été retrouvé. Le Boeing qui était en service depuis onze ans, avait été récemment inspecté, et il était en parfait état.
S'agissait-il d'un geste volontaire d'un des pilotes ayant pris le contrôle du vol
? Un suicide ?
Les regards se tournent vers le copilote, Fariq
Abdul Hamid, 27 ans. Il est décrit comme un fervent musulman puis comme un
fêtard invétéré. Même confusion pour le commandant Zacharie Ahmad Shah, 53 ans,
présentés comme un professionnel irréprochable mais aussi comme un homme dépressif. L'enquête sur les deux pilotes va durer plusieurs semaines, perquisitions,
auditions à la chaîne, mais aucun indice ne va les relier à la disparition.
Aucune
réponse, aucune explication, à ce stade toutes les hypothèses sont permises
même s'il apparait clairement, dès les premières heures que cet accident, ce
crash invisible, n'est pas du tout ordinaire. Il y a beaucoup de tension, de
nervosité autour de cet événement.
- Ghyslain Wattrelos a perdu sa femme et
deux de ses enfants dans ce crash. Il est l'auteur du livre Vol
MH370 : une vie détournée aux éditions Flammarion (2018).
- Florence de Changy, correspondante à Hong Kong pour Le Monde et RFI. Auteure des livres : Le vol MH370 n’a pas disparu (Les Arènes, 2016) et Vol MH370 la disparition (Les Arènes, 2021).